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Les misérables (sur Ciné + Frisson)
Sortie
le 14/11/2024
De Ladj Ly avec Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga, Issa Perica, Al-Hassan Ly, Steve Tientcheu et Almany Kanoute
Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux "Bacqueux" d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes...
Il y a eu d’abord La haine de Mathieu Kassovitz en 1995, puis Ma 6-T va crack-er de Jean-François Richet en 1997, il faudra dorénavant compter sur Les misérables de Ladj Ly, un constat choc et plutôt alarmiste, on ne peut plus réaliste et toujours d’actualité de ce qui se passe véritablement dans plusieurs quartiers défavorisés de certaines banlieues, plus de 20 après ses 2 premiers films de fiction. A en juger par ce que les infos nous dévoilent des évènements au quotidien, cet état des lieux ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis tout ce temps, entre bandes rivales qui s’affrontent pour un territoire devenu une plaque tournante de trafiques en tout genre, et zones de non-droit, tolérées voire « interdites » aux policiers. Avec sa manière immersive de tourner au plus près de ses personnages forts et de l’action tel un reportage pris sur le vif, on pourrait croire - et à juste titre - que le réalisateur, scénariste et acteur français Ladj Ly (les documentaires 365 jours à Clichy-Montfermeil et A voix haute : la force de la parole ; le court-métrage Go-fast connexion) est un enfant de la balle, tant il connaît parfaitement le terrain avec ces rouages et ces mécanismes dans un pareil endroit, lui qui a grandit justement à Montfermeil. Il a su rendre authentique autant le parler vrai et loin des poncifs, le langage « franc (du collier) et direct (sans ménagement) », aussi cru que drôle, de ces protagonistes de la cité, que la vie qui règne aussi bien de leur côté que de celui des flics, à travers leurs missions de « bonne entente cordiale » et leurs contrôles inopinés au contact de cette population à la fois bigarrée et méfiante, vivant dans des zones urbaines sensibles « où coexistent trente nationalités différentes » . Il suffit parfois d’une petite étincelle, notamment d’un simple contrôle de police de routine en petite équipe – à 3 dont la 1ère intervention d’un « bleu », brigadier muté au sein de la BAC et joué par le bluffant Damien Bonnard (vu entre autres dans Rester vertical, Voir du pays, En liberté, et Dunkerque) - qui usurpe ses droits à la manière de beaufs racistes tels des cowboys mal dégrossis (« être réactif sauf timoré ! »), puis qui dérape dans la bavure accidentelle pour que le feu s’embrase d’un coup, au sens propre comme au sens figuré d’ailleurs, au point de « ne pas pouvoir éviter la colère et les cris » en retour. On a beau avoir déjà vu maintes fois ce type de situation dites complexe au cinéma, elle est ici moins édulcorée, plus véridique, plus humaine et plus palpable que jamais. Une réalité des faits percutants en totale immersion, sous tension, à fleur de peau, intense et pour la majorité vécus, sans clichés ni caricature manichéenne et encore moins de jugements portés d’aucune sorte, récompensée par le Prix du Jury à Cannes en mai dernier, qui (dé)montre également le problème épineux de ces quartiers véritable « poudrières » en attente d’exploser, comme de ces arrangements et autres « encadrements de pacification », dans l’espoir qu’un jour, ça s’améliore ou, du moins, ça se calme un temps (via la coupe du monde de football par exemple ?). Et apparemment, ce n’est pas demain la veille que cela va changer...
C.LB
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