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Quelque chose au côté gauche (à Avignon jusqu’au 21 juillet)

le  03/07/2024   au Théâtre des Corps Saints - salle 2, 76 place des Corps Saints 84000 Avignon (à 15h15 - relâche le 09/07)

Mise en scène de Séverine Vincent avec Hervé Falloux écrit par Léon Tolstoï




Tout réussit à Ivan Illitch dans cette Russie tsariste : mariage heureux à une femme superbe, ascension sociale qui l’amène au poste influent de président du tribunal de Saint Pétersbourg. Sa vie est conforme à ce qu’il avait pensé en faire : facile, agréable et de bon goût.
Face public, le comédien Hervé Falloux nous offre la vision arrogante et suffisante de son personnage : vêtu d’un manteau blanc en hermine, il incarne la réussite teintée de suffisance. Il envisage avec gourmandise les privilèges de son poste, y compris celui de pouvoir convoquer n’importe quel citoyen et le soumettre à l’autorité de son interrogatoire.
Mais c’est sans compter sur le sort. A la faveur d’un banal incident, une petite douleur s’instillera ainsi dans le flanc gauche d’Ivan Illitch et, de banal, le mal deviendra critique. Dans l’esprit de l’hiérarque qu’il est devenu, la douleur ne peut pas aboutir funestement : « je ne peux pas mourir », dit ainsi le personnage pour qui une montée dans l’échelle sociale ne peut s’accompagner d’une déchéance physique.
Son corps le lâche, mais l’humanité le gagne. Il découvre à son tour la position de celui qui est soumis à l’autorité, médicale en l’occurrence. Sa vie sociale s’amenuise mais il gagne en spiritualité. C’est le double paradoxe qui habite ce fier juge bientôt rendu à la réalité de tout individu : l’homme est nu devant l’échéance fatale et le beau manteau d’hermine se transformera peut- être en linceul…
Ce court texte est l’occasion pour Hervé Falloux d’exprimer son grand talent : sans aucun artifice, simplement avec son jeu, il nous donne à voir la transformation, y compris physique du juge arrogant en Ivan Illitch, perclus de douleurs et d’angoisses. La mutation est saisissante et le comédien ne s’en cache pas dans sa note d’intention : il est allé puiser dans son expérience récente de la maladie pour nourrir son jeu sur scène (mais que l’on se rassure, il est désormais hors de danger !).
En ressort un beau spectacle où la lumière, parfaite accompagnatrice de la progression dramatique, et le décor, écrin idéal du comédien, jouent une partition presque parfaite, quoiqu’un peu froide.

Eric Dotter



 
 
 
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