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Dissident, il va s’en dire (au Petit Chien à 17h30 à Avignon du 07 au 29 juillet)

le  17/04/2023   au Artistic Théâtre, 45 rue Richard Lenoir 75011 Paris (mardi, jeudi et vendredi à 19h, mercredi à 20h, mâtinées samedi et dimanche à 15h)

Mise en scène de Hugo Givort avec Judith d’Aleazzo et Pablo Cherrey-Iturralde écrit par Michel Vinaver




Depuis le départ de son père, Philippe est seul avec sa mère dans leur petit appartement. Depuis celui de son mari, Hélène doit travailler pour subvenir aux besoins de son fils. Au bureau, elle saisit des données dans une machine mais l’avènement de l’ordinateur est proche et son travail est menacé, son avenir incertain. Philippe lui est insouciant ou presque : un jeune adulte qui, finalement consentira à aller travailler Mais le fait-il vraiment, ce jeune homme encore ado qui a décidément de bien étranges fréquentations ?
Ce sont les rapports entre ces deux là que l’écriture de Michel Vinaver entreprend de décrire au travers de 12 saynètes très courtes (le spectacle dure une petite heure). Rien de marquant dans les rapports mère-fils. Beaucoup d’attachement de la part des deux, de la nonchalance de la part du fils, de l’inquiétude de la part de la mère. Extrait de leur dialogue : « elle : ça me fait mal de te voir affalé là parmi tes disques tu sais, ne pas avoir un but dans la vie. Et lui : Je veux combattre pour la veuve et l’orpheline, je veux caresser tes cheveux non laisse toi faire »
Echanges banals, écriture volontairement sans fioritures, il n’y a rien là de spectaculaire. Au plus fort de ce qui ne peut être qualifié d’intrigue, le spectateur s’interrogera sur la nature du mal dont souffrirait Hélène et sur l’engagement de Philippe en cette période post-mai 68. Insensiblement, Vinaver laisse émerger la vérité des rapports mère-fils en ce contexte économico-politique de la fin des années 1970. Il se fait ainsi le témoin soigneux d’une époque (la pièce a été écrite en 1976) qui voit apparaître la banalisation des couples monoparentaux, l’angoisse du chômage, et l’apparition de l’informatique.
Après un très léger flottement suivant l’apparition des personnages sur scène, chacun finit par trouver sa place et le duo d’acteurs - Judith d’Aleazzo et Pablo Cherrey-Iturralde - ne laisse pas de doute : ils sont bien le fils et la mère que l’on nous présente sur la scène de l’Artistic Théâtre. L’incarnation fonctionne à plein. Formellement, le spectacle est superbe : la lumière est très soignée et les mots de Vinaver sont projetés sur des éléments de décors devant lequel jouent les acteurs. Seul point noir du spectacle : la trop longue scène introductive pendant laquelle la voix de Vinaver se fait entendre, sur fond de projection de toiles abstraites. Comble de la redondance, le metteur en scène projette une vidéo montrant Michel Vinaver expliquant de quoi est fait son théâtre.
C’est assez peu inspiré et, quitte à expliquer au spectateur les points saillants de la construction du théâtre de l’auteur, le public aurait sûrement préféré le voir joué par un comédien plutôt qu’être abandonné à la vue d’un écran, surtout en début de spectacle. Ecrivain, mais aussi PDG de Gillette de 1964 à 1982, Michel Vinaver, qui a disparu le 1er mai 2022, est un formidable écrivain du réel qui n’avait pas son pareil pour décrire le monde du travail qu’il connaissait bien mieux que la plupart des auteurs du théâtre contemporain. Il choisit ici le biais de la relation familiale pour rendre compte de son époque. Et malgré les défauts du spectacle, c’est saisissant.

Eric Dotter



 
 
 
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