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Les ombres persanes
Sortie
le 21/11/2023
chez
Diaphana édition vidéo (DVD, Blu-Ray et VOD)
De Mani Haghighi avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Esmaïl Poor-Reza, Farham Azizi, Vahid Aghapoor et Ali Bagheri
À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension va naître une histoire d’amour... et de manipulation.
Mani Haghighi ! Ce nom là ne vous dit peut-être pas grand-chose mais il fait parti des cinéastes et scénaristes avant-gardistes d’origine iranienne qui montent, à en juger par ses 2 dernières productions présentées en compétition à la Berlinale (Valley of stars et Pig). Avec celle-ci, il pousse le bouchon un peu plus loin dans la narration, remettant en cause le réel, du moins, le raisonnable provenant d’une situation bien particulière vers l’abstrait à travers une certaine absurdité ambiante ou plutôt un non sens assumé, un peu comme il l’avait déjà fait dans son 2ème film, Men at work. En tant qu’auteur lui-même, il est allé chercher un script pour le moins dense - et plutôt insensé à premières vues -, le simple fait qu’il puisse exister plusieurs personnes, ici 2 femmes et 2 hommes, physiquement identiques, similaires en tout point pareil. La probabilité qu’ils habitent dans la même ville est déjà impensable mais qu’ils finissent par se rencontrer par hasard est improbable, et enfin qu’ils soient chacun(e) en couple avec l’autre devient inimaginable. Sont-ils frères et sœurs, jumeaux/jumelles ou bien alors ont-ils été clonés ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’y a(ura) pas d’explication logique, simplement des questionnements autour de ces « sosies » qui ne comprennent pas très bien ce qui leur arrive, bien incapables d’expliquer vraiment ce « phénomène » puis après de reprendre normalement le cours de leur vie en main. Un « évènement » (surnaturel ?) qui les dépasse mais qui va tout de même pas mal les chambouler, permettant ainsi à certain(e)s d’installer un vrai magnétisme, une réelle connivence entre eux (un « fait l’un pour l’autre » assez rapidement évident), quitte à permuter, à s’échanger leur identité, à se substituer avec l’épouse ou le mari de l’autre, et cela malgré leur fossé culturel et social. Et en pareil cas, les quiproquos comme les mensonges vont aller bon train, puis les esprits vont commencer à s’échauffer au point de commettre l’irréparable. Il fallait la précision de jeu, tout en discrétion et sans excès, ainsi que la force de nuance des 2 excellents acteurs/actrices principaux pour rendre cette « destinée » totalement viable et donc crédible à nos yeux sans trop marquer les différences entre les 2 versions opposées de leur personnage. Taraneh Alidoosti (La fête du feu ; A propos d’Elly ; Le client ; Leila et ses frères) est on ne peut plus formidable en femme en pleine confusion, épouse tour à tour perturbée et envoûtante, hallucinée et troublée voire troublante. Il en est de même pour son partenaire Navid Mohammadzadeh (La loi de Téhéran ; L’indien ; Leila et ses frères) qui irradie d’un côté en gentil mari très attentionné puis, de l’autre, en époux macho, parano, jaloux et violent. Ils forment des « doubles » parfaits mais néanmoins dissemblables que l’on arrive à distinguer et même dissocier uniquement grâce à leurs expressions faciales, leurs comportements ordinaires et leur ton de voix. Même si la pluie battante qui tombe dru pendant 1h45 est omniprésente à l’écran, personnage à part entière qui donne un côté « torrentiellement » sombre à l’ensemble, elle ne trouble ni n’occulte en rien notre perception des questions existentielles qui se posent là dans cette confrontation irrationnelle voire irréaliste, à travers ce thriller psychologique plein d’émotions, autant social qu’original, à la fois fantastique et « biologique », aussi mystérieux que dramatique, réalisé d’une main de maître.
*En bonus : un entretien exclusif avec Mani Haghighi
C.LB
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