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Illusions perdues (jusqu’au 6 octobre)
le 11/09/2024
au
théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin 75018 Paris (du mardi au vendredi à 20h, samedi à 18h et dimanche à 16h)
Mise en scène de Pauline Bayle avec Manon Chircen, Anissa Fériel, Zoé Fauconnet, Frédéric Lapinsonnière, Adrien Rouyard et la participation de Nadja Bourgeois écrit par Honoré de Balzac (adaptation de Pauline Bayle)
Le moins que l’on puisse dire de Pauline Bayle, c’est qu’elle ne manque pas d’ambition. Après avoir porté très haut la parole d’Homère en 2015 et 2017, dans un magnifique dyptique théâtral mettant en scène l’Iliade et l’Odyssée, voilà qu’elle (re)prend à bras le corps le verbe de Balzac en mettant en scène à l’Atelier un spectacle qu’elle avait préalablement présenté en 2019 au théâtre de la Bastille (2024-2025 sera apparemment la saison des reprises). Pour ceux qui auraient laissé Balzac à l’état de lecture lycéenne, rappelons très sommairement les faits : nous sommes au XIXème siècle, Lucien Chardon, (de Rubempré par sa mère) se veut écrivain, alors il écrit des poèmes. Madame de Bargeton, qui a ouï dire de sa réputation flatteuse, le fait venir dans le salon littéraire qu’elle tient. Il est plutôt joli garçon, et elle en tombe amoureuse. Pour fuit les ragots sur leur union, le couple fuit Angoulême et monte à Paris. Plume alerte et séduisante, Lucien est ainsi introduit dans différents cercles, notamment auprès de Lousteau, un journaliste peu scrupuleux. A ses côtés, il prendra des leçons de traitrise. Au gré de ses intérêts, Lucien de Rubempré n’aura de cesse de changer de camp, politique, de camp littéraire et de maitresse. Ruiné, seul, et humilié, il finira par quitter Paris. « Illusions perdues » est qualifiée de pièce d’après Honoré de Balzac, alors Pauline Bayle peut se permettre des libertés. Parmi les principales, on peut citer le choix du rôle central : de Rubempré est en effet incarné par une comédienne, Manon Chircen. Volonté délibérée ou effet parasite de ce choix cardinal, le regard se déplace et l’intrigue amoureuse entre de Rubempré femme et sa maitresse devient plus centrale qu’elle ne le devrait. Pauline Bayle a en outre choisi un dispositif bi-frontal : lorsque le rideau s’ouvre, le spectateur en salle découvre une autre rangée de spectateurs disposés sur scène : le combat où plumitifs et journalistes véreux s’affronte en mordant la poussière se fait ainsi sous les regards acérés d’une double rangée de témoins. C’est parfois troublant car la matérialité de ces rangées d’observateurs posés sur scène casse un peu la sacralisation scénique. Les illusions perdues, c’est Le « roman de tous les romans », un volume monstre dans lequel Balzac a mis tout de lui. C’était une gageure de le condenser en deux heures trente de spectacle. Si on peut reconnaitre à Pauline Bayle, qui en a également fait l’adaptation pour la scène, le talent d’avoir rendu la modernité au propos, force est de reconnaitre que l’on s’égare parfois dans la forêt de personnages qu’elle a choisi de faire interpréter par seulement 6 comédiens et comédiennes. Un changement de tenue ou d’accessoires ne suffisent ainsi pas pour guider le spectateur que ce spectacle peine un peu à convaincre.
Eric Dotter
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