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Le premier sexe ou la grosse arnaque de la virilité (jusqu'au 27 novembre)

le  17/09/2024   au sein de la Scala Paris, 13 boulevard de Strasbourg 75010 Paris (mardi et mercredi à 19h15 sauf le 13/11)

Mise en scène de Mickaël Délis et Vladimir Perrin avec Mickaël Délis écrit par Mickaël Délis




Intituler son spectacle « le premier sexe », c’est appeler la référence à Simone de Beauvoir et à son « deuxième sexe », l’essai qui faisait un état des lieux de l’infériorisation des femmes. C’est donc délibérément que Mickaël Délis, l’auteur et unique interprète de ce spectacle, a utilisé cette allusion. Son pari : « déjouer la grosse arnaque de la virilité », son but : arriver à parler des hommes.
C’est par un dialogue que le spectateur est introduit au récit-fort autobiographique-qui sert de support à ce que l’auteur qualifie de spectacle « accessible, pop et vivant ». Toute en longues volutes de fumée et gestes enveloppants, il y a d’abord la mère du protagoniste, « 34 ans de dépression, 12 ans de lithium » telle qu’elle se résume. A ses côtés, son fils, le petit Mickaël, qui enchaine les questions naïves en jeune garçon qu’il est. A ses interrogations d’homme en devenir, sa mère répond en assénant ses vérités à elle, fruits de sa souffrance de femme abandonnée par son mari « parti pour cause de verge trop expressive ».
« Les hommes sont des garçonnets bloqués à l’âge de la tétée », affirme ainsi celle qui se définit comme la plus belle des mamans tristes. Incarnant tour à tour Mickaël, sa mère, ses copains et ses copines, l’auteur-comédien progresse dans la biographie. Bientôt arrivent l’adolescence et l’apprentissage de la différence, pour celui qui se présente comme « une grosse méduse délicate » côtoyant, entre autres, « Tarzan avec des Nike ». Epreuve presque réussie pour celui qui va rentrer sur un malentendu dans le « clan de la camaraderie virile ». La parole est libre, parfois leste pour celui dont la mère dicte ses règles « pas d’interdit, surtout lorsqu’il bride le plaisir et la créativité ». Le héros de la pièce progresse ainsi, élevé par une mère étouffante mais très présente et un père, parangon d’une virilité couillue qu’il dénonce.
De pénis, il en est souvent question dans le texte, tant il est au cœur de cette virilité mal comprise. Du sexe des hommes, il est aussi question dans la vie de notre héros, qui découvre sans tarder son attrait pour les corps semblables au sien. Avec l’homosexualité, enfin la fin des bons gros propos lourdingues ? Au contraire, à en croire l’auteur, la drague gay sur Internet, c’est la misogynie, la « chasse aux virils » ; la haine du féminin. Toujours à la recherche de la définition de l’homme, Mickaël slalomera ainsi entre sa mère, son inévitable psy et ses amours parfois cruelles.
Fort d’un texte bien écrit, souvent drôle, et d’un jeu tantôt émouvant et tantôt burlesque, Mickaël Delis dresse un état des lieux de la masculinité. Loin des poncifs militants, il se veut empirique, en partant de son expérience pour créer de l’universel. On rit-beaucoup-, on s’émeut-parfois et on sort ravi de la fraicheur de cette pensée dispensée avec légèreté qui fait plus de bien qu’un trac barbant. Alors, prêts avec Mickaël Delis à expérimenter le masculin pluriel, libéré de « l’immense arnaque de la virilité » ?

Eric Dotter



 
 
 
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