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Arletty, un cœur très occupé (jusqu’au 28 décembre)

le  11/10/2024   au théâtre des Mathurins, rue des Mathurins 750 Paris (du jeudi au samedi à 19h)

Mise en scène de François Nambot avec Béatrice Constantini et François Nambot écrit par Jean-Luc Voulfow




« Avant, j’étais la femme la plus invitée, mais maintenant, je suis la plus évitée » : c’est avec cette formule choc, comme elle savait en dire, qu’Arletty (alias Béatrice Constantini) accueille Samuel, le jeune journaliste venu interviewer l’ex star du cinéma français dans son salon en ce jour de 1973. En cause, ses amours coupables avec un officier allemand, nazi plus précisément et ce qui sera qualifié de « collaboration amoureuse » lors de son arrestation à la fin de la guerre le 24 octobre 1944.
Retour en arrière, années 1940 : la star est à Paris, et son bel officier Soehring est mobilisé par la guerre. Qu’à cela ne tienne, les deux tourtereaux, ou plutôt « faune » et « biche » comme ils se surnomment, échangeront des lettres, beaucoup de lettres, 638 exactement. Journaliste roué ou simplement touchant, Samuel parvient à faire craquer la star qui, de prime abord refusait de revenir sur cette période dont elle n’a pas eu souffrir qu’a posteriori.
Et puis, à force de lectures mornes et plates de ses lettres enflammées, que le journaliste a apportées avec lui, la star se lâche et redevient ce qu’elle a été tout au long la guerre : une femme amoureuse et cruellement inconséquente. « Nous étions indifférents à la guerre », dit la star désormais retirée et à moitié aveugle (elle a 75 ans en 1973) : « la guerre n’avait pas sa place dans ma vie », renchérit celle qui grenouillait dans les cercles des privilégiés de l’arrière pendant l’occupation de la capitale française. Alors, ces lettres, que contiennent-elles ? Arletty le dit simplement : « nos lettres ne sont que des lettres d’amour, pas comme celles de Camus et de Casarès, trop longues, trop chiantes, trop intello » (l’écrivain et la comédienne ont entretenu une correspondance amoureuse entre 1959 et 1960).
Même si, en effet, le spectateur assiste au spectacle fort classique de l’évocation d’une correspondance amoureuse, l’émotion n’en est pas absente, et le journaliste Samuel, qu’interprète François Nambot (de surcroît également metteur en scène de cette pièce), offre un jeu plutôt convaincant. On est un peu plus mitigé quant au jeu de Béatrice Constantini, dont on regrette le minimalisme expressionniste. Soyons juste cependant, on passe un bon moment en compagnie de la star, dont la comédienne a réussi subtilement à reproduire la gouaille et l’aplomb.

Eric Dotter



 
 
 
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