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Rabia
Sortie
le 27/11/2024
De Mareike Engelhardt avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief, Lena Lauzemis, Kiara Wöedermann, Maria Wöedermann et Andranic Manet
Poussée par les promesses d’une nouvelle vie, Jessica, une Française de 19 ans, part pour la Syrie rejoindre Daech. Arrivée à Raqqa, elle intègre une maison de futures épouses de combattants et se retrouve vite prisonnière de Madame, la charismatique directrice qui tient les lieux d’une main de fer
Si l’on traduit le titre du film, Rabia, on découvre le terme « haine » ou « fureur » comme si nous allions assister à des combats aussi féroces que sanglants en Syrie et notamment à Raqqa. De cette ville au centre du pays, nous n’y verrons pas grand-chose si ce n’est quelques maisonnées et un horizon barré de longues fumées, avec en fond sonore des tirs et des explosions. C’est que nous sommes chez Daech, au siège de l’Etat Islamique, en pleine guerre sainte, là où le Califat s’instaure grâce à des soldats endoctrinés et radicalisés, prêts à mourir pour servir une « bonne cause » au nom d’Allah. Mais alors, que sont venues faire toutes ces filles dans une région pas touristique pour deux sous, où prédominent surtout la guerre, la souffrance, l’horreur et la mort ? Sans doute aveuglées par de belles paroles – notamment à coup de vidéos de propagande - autour d’une existence bien meilleure que celle qu’elles avaient auparavant (elles n’étaient pas respectées là où elles vivaient), les voilà qui partent là-bas un peu comme on part en vacances, « la fleur au fusil » d’autant qu’elles n’ont plus rien à perdre. Bien qu’il ne soit pas question pour elles de prendre les armes, elles vont (être as)servir tout bonnement de bétail, ou disons plutôt, de récompense pour ne pas dire de « marchandise » à marier (de force) auprès de combattants fanatiques, pervers et en rut, prêts à faire leur marché (« je la prends », dans tous les sens du terme d’ailleurs), à les battre et à leur sauter dessus à la première occasion. Tout ce qu’on leur demande en échange, c’est d’être « gentilles, polies, douces et souriantes » ! Vous parlez d’un voyage idyllique (« on s’est trompées ! ») ! Pour bien les (re)tenir dans sa prison « dorée » (une madafa, sorte de pouponnière), l’impitoyable « Madame » est là pour veiller au grain, pour qu’elles comprennent bien les règles de la charia et qu’elles doivent promettre de faire allégeance à Dieu alors que c’est à leur ventre qu’elle en veut avant tout (« combien d’enfants voulez-vous ? »). Interprétée par l’excellente Lubna Azabal (on a pu la voir dernièrement dans Rebel ; Le bleu du caftan ; Pour la France ; et Amal – un esprit libre), elle impose son fanatisme, son emprise idéologique à l’écran avec une force de persuasion indéniable. Néanmoins, elle va avoir du fil à retordre avec une forte tête (jouée par Megan Northam, aperçue dans Robuste, Fifi, et Pendant ce temps sur Terre), elle-même au départ embrigadée avant de devenir récalcitrante, maltraitée puis fouettée et emprisonnée, et enfin soumise jusqu’à devenir geôlière, dénonçant ces voisines pour mieux se faire bien voir. Et dire que tout cela s’inspire de faits réels ! C’est sans doute pour cette (bonne) raison que ce film « choc » (sans être choquant : pas de violence frontale, seulement psychologique), véritable témoignage sans excès aucun des conditions de vie de ces épouses de djihadistes en Syrie, a reçu le "Prix du public long-métrage" lors du dernier festival War on Screen de Châlons-en-Champagne et qu’il a remporté le prix d’Ornano-Valenti de Deauville, qui récompense un premier film français, celui de Mareike Engelhardt.
C.LB
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