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Château en Suède (jusqu’au 9 février)

le  05/12/2024   au théâtre de Poche-Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse 75006 Paris (du mardi au samedi à 19h et dimanche à 15)

Mise en scène de Emmanuel Gaury et Véronique Viel avec Emmanuel Gaury, Odile Blanchet, Bérénice Boccara, Gaspard Cuillé, Sana Puis et Benjamin Romieux écrit par Françoise Sagan




« Légère et sans conséquence », tels sont les qualificatifs que l’on lit le plus souvent au sujet de l’œuvre de Françoise Sagan. Quid alors de son théâtre ? C’est ce que l’on entreprend de tester en allant voir son « château en Suède », actuellement présenté au théâtre de Poche-Montparnasse. Toute première pièce de la jeune prodige littéraire qui avait vingt cinq ans au moment de sa publication, « Château en Suède » brosse un portrait des Falsen. Tel le jeu des sept familles, on décline un à un les membres de cette dynastie d’oisifs reclus dans leur château à la faveur d’une neige qui empêche toute sortie. Dans la famille Falsen, on peut ainsi demander la sœur, Eléonore. Belle femme, un poil cynique, elle est mariée à Hugo, un rude propriétaire terrien, dont la sœur Agathe partage également la demeure. Autant Eléonore affiche gaieté et légèreté, autant la rude Agathe se veut la gardienne du temple.
Trublion cynique soufflant le chaud et le froid, Sébastien, le frère, joue un rôle trouble et entretient une relation au-delà de la complicité avec Eléonore, sa sœur. Alors, quand la carte Joker, Frédéric, le lointain cousin entre dans le jeu et dans le château, rien ne va plus. Le visiteur tombe en effet amoureux d’Eléonore qui lui fait vivre des montagnes russes affectives. Et le naïf visiteur de tomber telle une mouche dans la toile tendue par le duo frère et sœur, avec la complicité d’un Hugo, le mari donc, supposément jaloux jusqu’aux envies de meurtre. L’analogie du jeu qui se déploie sur le plateau avec le jeu de cartes ne doit rien au hasard : chez Les Falsen, on ne fait rien ou presque, si ce n’est de lutiner, de parler, et de jouer aux cartes. Et comme aux cartes, on bluffe et on ment beaucoup, surtout à Frédéric, le visiteur, qui pourrait bien lever un voile sur le fonctionnement psychotique de la famille, dont on ne révèle ici qu’un aspect.
On nous dit que Sagan avait écrit ce texte pour amuser sa bande d’amis, et c’est vrai que le spectateur du poche Montparnasse jubile devant le cynisme de Frédéric, le frère, « mouche du coche » titillant sans cesse le visiteur. Dans l’assistance, on admire la vénéneuse séduction d’Eléonore, et l’on frémit devant la fermeté d’Hugo. Sorte de « liaisons dangereuses » à rebours, où l’homme est la victime du jeu du chat et la souris, « Château en Suède » propose sa vision cynique mais souriante des relations amoureuses. « Soyez gai, aimable et joli », dit ainsi Eléonore à Frédéric qui croit pouvoir l’enlever des bras de Hugo son mari.
Dans cette société du désœuvrement et de l’oisiveté, on ne craint rien autant que l’ennui. Et on ne peut s’empêcher de penser que Sagan a dépeint là avec malice ce qu’elle vivait, jeune fille bien née prématurément riche et amatrice de plaisirs divers. Si l’ennui est redouté par les personnages, il est en revanche totalement absent de cette mise en scène enlevée d’une pièce sans conséquences…ou presque.

Eric Dotter



 
 
 
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