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La fileuse de nuit (jusqu’au 12 mars)
le 15/01/2025
au
théâtre La Flèche, 77 rue de Charonne 75011 Paris (tous les mercredis à 19h)
Mise en scène de Guillaume Ravoire avec Elsa Rozenknop écrit par Elsa Rozenknop
Lorsqu’il sort du théâtre, le critique aime parfois guetter les réactions à chaud des spectateurs, histoire de mesurer son ressenti de regardeur fréquent à l’aune de celui des spectateurs occasionnels. Le soir de notre venue, c’est la phrase « vous avez tout compris ? » qui a retenu notre attention car il est vrai que cette fileuse de nuit nous a donné pas mal de fil à retordre. Tentons donc tant bien que mal de résumer : une jeune femme, seule sur scène, entreprend de faire des recherches sur sa famille juive. D’abord dans une grotte, puis dans un labyrinthe, elle ouvre des portes, au sens propre comme au figuré. Sorte d’enquête à la recherche de ses origines, dont le fil se rompt parfois à l’entrée des camps de la mort, « La fileuse de nuit » emprunte de multiples pistes, mettant la comédienne sur de multiples plans. Des portes sont ainsi ouvertes et rarement refermées : la voilà animatrice de radio dialoguant avec une philosophe et un avocat dont elle embrasse les trois rôles, puis la revoici partie explorer une autre piste perdant souvent le spectateur. Mais soudain, la comédienne interrompt le récit, fait rallumer la salle, cassant ainsi la magie du récit théâtral. Dans ce mélange parfois surréaliste, horrifique et poétique, il est question d’enfant caché, d’abandon, de fuites, d’absents et d’identités. Barbe Bleue n’est pas loin et les fantômes non plus. C’était ambitieux de la part de Elsa Rozenknop de s’emparer de cette dizaine de personnages, mais l’on est parfois agacé de l’excitation qui la saisit lorsqu’elle saute de l’un à l’autre. La comédienne, qui a plus d’un tour dans son sac, récupère cependant bien vite le spectateur et le remet dans le droit chemin en un clin d’œil. On pourrait reprocher au spectacle de ne faire aucun choix et de proposer une matière surabondante : trop de thèmes, trop de références, trop de ruptures de jeu, trop de bruitages, trop de changements de lumières. Mais malgré tout, force est de reconnaitre que le charme du spectacle opère et que l’on sort du théâtre de la Flèche avec le sentiment d’avoir assisté à une belle tentative de création originale, même si l’on n’a pas réussi à démêler tous les fils de cette intrigue décidément fort touffue.
Eric Dotter
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