|
Orgueil et préjugés…ou presque (jusqu’au 28 juin)
le 29/01/2025
au
au théâtre Saint-Georges, 51 rue Saint Georges 75009 Paris (du mercredi au samedi à 21h et dimanche à 17h)
Mise en scène de Johanna Boyé avec Emmanuelle Bougerol, Lucie Brunet, Céline Esperin, Magali Genoud, Agnès Pat et Melody Linhart à la guitare écrit par Isobel McArthur (librement adapté de Jane Austen par Virginie Hocq et Jean-Marc Victor),
Ils sont nombreux les héritiers de l’esprit « Monty Python ». Ils sont légion, ceux qui revendiquent l’univers de ce groupe de joyeux humoristes médiatiques des années 70, instaurant un humour qui leur était propre, sorte de fourre-tout dans lequel on mêle une bonne humeur décomplexée, un certain gout d’une réécriture drolatique et parodique de l’histoire, et des gags qui ne lésinent pas sur le mauvais gout. Dernier avatar, de cette longue lignée, « Orgueil et préjugés…ou presque », d’après le célèbre roman de Jane Austen. Mais cette déclinaison parodique n’est pas n’importe quelle parodie puisque le casting en est exclusivement féminin, et pour cause : le roman est centré sur les cinq filles Bennett que leur mère souhaite marier au plus vite avant que la mort imminente de son époux ne les plonge toutes dans la pauvreté (au XIXème siècle, date du roman, une femme n’hérite pas en Angleterre). C’est donc un quintette vocal et (un peu) musical qui se saisit à bras le corps - et avec beaucoup de dynamisme - de ce roman paru en 1813, adapté sous forme de parodie par Isobel Mc Arthur et présenté sur scène à Glasgow en 2018 dans sa version anglaise. Bref, c’est l’adaptation française d’une adaptation anglaise à laquelle nous assistons ici. La scène d’introduction donne le ton : c’est du point de vue des domestiques que l’on entend nous raconter l’histoire, car « sans nous, les domestiques, pas d’histoire d’amour ». Alors, pour mettre toutes les chances de leur côté, Mme Bennett briefe ses filles : « sois gourgandine ou idiote mais ne réplique pas ! ». L’ironie de Austen transparait quant au peu de cas accordé à la gente féminine. Jane est la plus ravissante des filles : elle ira donc à Mr Bingley qui parait un fort beau parti. Mais c’est sans compter sur Caroline et Louisa, les sœurs du fiancé putatif, deux pimbèches imbues d’elles-mêmes. Des péripéties, il y en aura de nombreuses au fil de ce récit ponctué par une guitariste et une bande son faisant la part belle aux tubes des années 80 sur lesquels on vient placer des paroles alternatives. On se perd cependant bientôt dans la multiplication des personnages, dont tous, y compris les masculins, sont joués par les mêmes cinq comédiennes. Ca bouge beaucoup, et ce qui devrait être du rythme se transforme en précipitation sur scène. C’est extrêmement dommage car le texte, lui, frappe, et souvent juste : « L’amour, ça n’est pas du tout le sujet, ici, on parle mariage ! ». Et cette autre réplique : « Elle a peut-être l’haleine chargée mais elle a le regard qui brille d’intelligence ». Le public, nombreux, peine à s’enthousiasmer et à rire comme le mériterait un rythme mieux maitrisé dans le jeu des comédiennes. Une exception toutefois à cette déception, deux-trois scènes mettant en action la mère éméchée à l’issue d’une réception, perdant tout contrôle. On est aussi très fan de la sœur de Benett, insupportable et méprisante snobinarde. Dernier personnage enfin que l’on retrouve avec plaisir, la sœur jugée la plus laide qui, avec ses lunettes et sa voix rauque, tient avec bonheur son personnage tout au long de ses apparitions. Texte et troupe, les ingrédients sont bons mais la mécanique manque encore de fluidité et le jeu est encore trop empreint de technique pour laisser s’exprimer le délire des actrices et la drôlerie que mérite ce spectacle. Nous l’avons vu le 29 janvier, soit à l’occasion de la 5ème représentation. Gageons que depuis le spectacle aura gagné en maturité et en fluidité.
Eric Dotter
|