en 
 
 
cinema

 
 

Je sentais venir la tempête (jusqu’au 25 mars)

le  03/03/2025   au théâtre de Belleville – passage Piver, 94 rue du faubourg du Temple 75011 Paris (lundi et mardi à 19h15 et dimanche à 17h)

Mise en scène de la compagnie d’Octobre avec Sophie Anselme, Julie Duquenoy, Claire Marx, Ruthy Scetbon et Ana Torralbo écrit par Garcia Lorca et la compagnie d’Octobre




Elles arrivent du fond de la salle chantant et martelant le rythme de leurs souliers épais et c’est en rang serré que les 5 sœurs arrivent sur scène. Elles se rassemblent dans cette pièce commune pavée de tomettes dans laquelle elles ont coutume de se réunir, une des pièces de la demeure où, Bernarda, leur mère, les enferme. Bientôt leur chant est interrompu par les cloches. Le dialogue commence alors entre ces sœurs si dissemblables mais réunies par l’infortune de l’enfermement.
Dans la fratrie, Martirio, Amelia et Magdalena se confondent dans leur peine, et seules deux des femmes se distinguent : Angustias, promise ou pas au beau Pepe Roman, attirant la jalousie de ses compagnes ; et Adela, la rebelle qui arbore fièrement sa robe vert pomme échancrée. C’est du moins ce que la dramaturgie a décidé. Chapeautant les échanges parfois vifs entre ces sœurs, une voix off surgit parfois annonçant la révolte qui gronde parmi les jeunes filles opprimées par leur mère : « Bernarda, tes filles te respectent mais à l’instant où tu les lâcheras, elles grimperont sur le toit ».
Aussi pesant que le bourdon des cloches, c’est le deuil du père qui plombe l’atmosphère du foyer, même 8 ans après son décès. « Mais après tout, c’est la condition des femmes, maudites soient les femmes ! », lâche l’une d’elles avec tristesse et résignation. Pas un rire ne ponctue cette assemblée exclusivement féminine. Pire, la solidarité ou la sororité est régulièrement polluée par la jalousie latente vis-à-vis d’Angustias, « la plus insignifiante et la plus riche d’entre nous » : le poison du soupçon fait son œuvre. Au cas où le message ne serait pas assez clair, l’une des sœurs joue la résignation : « je ferai pour le mieux pour ne pas voir le mensonge ». Bref, l’extérieur n’existe pas et le huis clos est étouffant.
Dans sa note d’intention, le collectif formé par les comédiennes-autrices de ce spectacle affirme proposer une libre interprétation de la maison de Bernarda Alba de Garcia Lorca. Parmi les apports de ce travail à dix mains, les monologues de chacune des sœurs donnant à voir leurs mouvements intérieurs et leurs rapports à cette société d’enfermement des femmes, cette société si épouvantablement patriarcale. Le dispositif scénique est intéressant, réservant à chacune des sœurs une sorte de niche où elles peuvent se réfugier et s’exprimer. L’espace est ainsi composé et redéfini sans cesse par un jeu de lumière soigné et parfois un peu trop démonstratif. Bruitage et ambiance sonore viennent parfaire l’effet.
Malgré donc un travail technique évident, un écueil de taille empêche le spectateur d’adhérer comme il le souhaiterait à cet œuvre par ailleurs fort honnête : celui du jeu des comédiennes. On aimerait dire qu’il s’agit là d’un défaut de jeunesse, d’une pièce dont nous avons vu la première. Mais malgré une ouverture prometteuse, la tension descend presque immédiatement. En dépit donc de quelques éclairs et éclats, la tempête promise se fait attendre et le souffle manque à cette création sororale.

Eric Dotter



 
 
 
                                                      cinema - theatre - musique