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Même si le monde meurt (jusqu’au 6 avril)

le  06/03/2025   au théâtre de La Tempête, Cartoucherie – route du Champ-de-manœuvre 75012 Paris (du mardi au samedi à 20h, et dimanche à 16h)

Mise en scène de Laëtitia Guédon avec Matthieu Carle, Marine Déchelette, Mathieu Fernandez, Elise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Thomas Ribière et Julien Salignon écrit par Laurent Gaudé et Laëtitia Guédon




C’est d’abord un murmure qui vient de certains sièges du public, puis une rumeur et enfin une logorrhée indistincte, un chaos dont émerge une funeste prédiction : « vous ne le savez pas encore, le monde déjà gronde et crisse, quelque chose a craqué ». En fond de plateau, la terre menacée est projetée et un compte à rebours égrène les séquences à venir avant la catastrophe : « le monde va mourir, la planète est menacée.
« Gospodi" (« Seigneur » en slavon), chante une voix claire sur le plateau. Et chacun de décliner sa vie, sa petite vie qui va être arrêtée nette par la catastrophe. « La nouvelle a coupé le monde en deux et nous aussi », constate l’une d’elle. Un médecin, un homme pressé, un criminel qui vient de tuer sa compagne : « pour que je sois le dernier visage que tu verras ». Chacun entame son récit à tour de rôle, presque uniquement composé de monologues. Il y a peu de dialogues ici, si ce n’est parfois le dialogue des corps, parce que de toute façon, la fin est proche.
Dans cet ensemble de désespoir choral, où les personnages sont « tous comme en suspens », une once d’espoir - ou presque – surgit : une vie qui émerge du corps de cette mère, et parce que le temps presse, l’enfant qui nait est déjà adulte car, comme il le dit, « pas le temps du 4 pattes, pas le temps des gazouillis, pas le temps de téter la mère, je vais mordre les seins du monde ». Une femme en tailleur se lamente de son côté devant son espoir déçu : « tout va s’arrêter, je n’aurais plus le temps de surprendre qui que ce soit ».
La fin du monde arrivera-t-elle et si elle ne survient pas, comment gérera-t-on l’après quand il faudra « tout recommencer » ? L’interrogation est abyssale…Laëtitia Guedon, la metteuse en scène, a travaillé avec l’auteur Laurent Gaudé qui est celui de « Même si le monde meurt ». Elle souhaitait offrir à la jeune troupe de l’Atelier Cité de Toulouse un texte. Voilà qui est fait avec cette pièce poignante, interprétée au cordeau et avec force et puissance par les comédiens de la compagnie. Musique, éclairages composés comme une partition lumineuse, et jeu intense des acteurs, tout concourt à secouer le spectateur dont, aux dires d’une spectatrice, « le cœur bat plus fort ».
Laëtitia Guédon présente l’aspect formel de son spectacle comme « une esthétique indisciplinée où se mêlent le texte, la vidéo et le souffle ». A la noirceur du propos et la perspective du chaos final répond un rythme haletant dont le spectateur sort presque KO mais néanmoins enthousiaste

Eric Dotter



 
 
 
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