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Et à la fin, ils meurent (la salle vérité sur les contes de fées) jusqu’au 24 mai
le 19/03/2025
au
sein de la Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron 75018 Paris (du mercredi au samedi à 19h)
Mise en scène de Antoine Brin avec Pierre-André Ballande, Virgile Daudet, Leila Moguez ou Eugénie Gendron, et Clara Leduc écrit par Lou Lubie
« Et à la fin, ils meurent » : vous trouvez que ce titre de pièce sonne comme un conte? Et bien vous avez raison ! Dès la première scène, l’ambition est en effet clairement annoncée : vous voulez du conte ? Vous allez en avoir ! Pendant 1h10 vont ainsi défiler des princes pas futés et des princesses souvent ignorées et parfois un peu malmenées. C’est qu’on ne se contente pas ici de conter ou raconter mais on décortique avec humour cette littérature parfois venue du fonds des temps. Quitte à faire référence aux analyses, telle celle de Bruno Bettelheim auteur de la psychanalyse des contes de fées, parue en 1976, et que l’on moque d’une phrase. Pour Bettelheim, la galette sortie du four (dans Le petit chaperon rouge) est le symbole de la grossesse. Le regard féministe est omniprésent dans le spectacle pour constater de manière définitive que les contes de fées sont sexistes. Les héros y sont toujours valeureux et les princesses définies par « meurt statut familial »... C’est que le choix est clair, loin des relectures dite rose bonbon à la Disney. C’est le conte brut et souvent violent que l’on évoque ici, quitte à se lancer dans une analyse comparative passionnante entre Perrault, auteur de 6 contes, et les frères Grimm qui en écrivirent près de 200. Parfois interprètes des mêmes contes puisés souvent dans les traditions orales, les frères Grimm et Charmes Perrault se contredisent et surtout n’ont en commun ni le style, ni la morale apportée aux contes. Si le spectacle est enlevé, souvent très drôle et toujours instructif, il le doit à son excellent quatuor de comédiens, qui fait parfois penser aux Robins des bois de la grande époque mais surtout à la BD hilarante que Louis Lubie a publié il y a 4 ans aux éditions Delcourt. Le spectacle en reprend des pans entiers en assumant anachronismes, rupture de ton et provocations. On est d’autant plus étonné lorsque, après avoir évoqué « Le chien et la mer », un des rares contes queer traditionnel, le malaise saisit la troupe à l’évocation d’un conte ouvertement antisémite que nous ne nommerons pas ici. Dans ce cas, pouvoir l’avoir évoqué, si c’est pour se le repasser de comédien en comédien comme une patate chaude détestable ? On se le demande. On passera donc sur le seul faux pas de ce spectacle agréable, divertissant et drôle qui offre une bonne introduction à la lecture de l’épaisse BD (250 pages) dont il est tiré
Eric Dotter
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