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- BD : On peut rire de tout (sauf de sa mère) de Constance Lagrange aux éditions Dargaud
le 04/04/2025
L'humour juif est une affaire de mémoire. Il y a celle immédiate de la blague qu'on vient d'entendre, qu'on veut absolument retenir, mais dont on pressent déjà que - comme tant d'autres - on finira quand même par l'oublier. Ca, c'était avant ce livre de Constance Lagrange, florilège savoureux et hilarant d'histoires mettant en scène des vieux couples, des enfants, des rabbins, des médecins, des (belles-)mères, des épouses, mais aussi des serveurs, des curés, des commerçants...et même un extraterrestre ! Bref, tous les personnages archétypaux de cet humour qui irrigue la culture occidentale bien au-delà du monde juif ou yiddish. Moqueurs, vaniteux, hyponcondriaques, paresseux, avares, colériques, rusés ou crétins : par son dessin d'une grande élégance, aussi précis que sobre, Constance Lagrange nous les tend comme autant de miroirs à peine déformants, pour que nous puissions rire les uns des autres, et surtout de nous-mêmes !
Regroupées sous l'autorité de 5 grandes figures (Moïse, Jésus, Marx, Freud et Einstein), les blagues d'On peut rire de tout (sauf de sa mère) forment la quintessence d'une tradition millénaire. Parce que la mémoire de l'humour juif, c'est aussi celle, plus longue et douloureuse, d'un peuple, d'une culture et d'une histoire souvent tragique. En remontant à Abraham et Sara, "ce couple de vieux rigolards", Ivan Jablonka retrace dans une magnifique préface l'histoire de cet humour pour mieux en réaffirmer l'urgence et la nécessité. Parce qu'au milieu des catastrophes, dans le climat d'angoisse et de crispations identitaires de notre époque, "on a toujours raison de rigoler !"
Rions des juifs, avec les juifs. L'humour, la dérision, la plaisanterie, le mot d'esprit (witz) font partie intégrante de la culture juive depuis des siècles et ce livre peut être considéré comme une introduction ou initiation à cette culture, laquelle ne saurait être confondue avec les tragédies et les larmes. Chez les juifs comme chez les autres, il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire : Constance Lagrange (avec la complicité d' Ivan Jablonka) ont choisi le second. Rions pour être ensemble, parce qu'on ne peut pas pleurer tout le temps et parce que le rire est la dernière chose qui nous reste !
-L'auteure : Née en 1991, Constance Lagrange est dessinatrice. Diplômée de l'école Émile-Cohl, elle a enseigné les arts plastiques de 2016 à 2022. Elle a publié deux romans graphiques, L'Innocent incompris. Patrick Dils, histoire d'une erreur judiciaire (Éditions du Faubourg, 2022) et Le Canari (Seuil, 2024). Elle poste régulièrement des bandes dessinées sur sa page Instagram et sur le compte de référence « Mâtin, quel journal ! ». En collaboration avec Ivan Jablonka, elle signe la BD Le livre (très sérieux) de l'humour juif chez Dargaud.
-Le coordinateur éditoriale : Ivan Jablonka est un historien, éditeur et auteur. Après des études en khâgne au lycée Henri-IV, il intègre l'École normale supérieure (promotion B/L 1994) et est reçu à l’agrégation d’histoire. Il soutient en 2004 sa thèse de doctorat sur les enfants de l’Assistance publique sous la Troisième République. L’année suivante, il devient maître de conférences en histoire contemporaine à l’université du Maine, et en 2013 professeur à l'université Paris 13. En 2005, il a publié sous le pseudonyme d’Yvan Améry un roman, "Âme sœur". Depuis 2009, il codirige avec Pierre Rosanvallon la collection La République des Idées (éditions du Seuil), où il a édité des ouvrages de sociologues et d'économistes comme Éric Maurin, Camille Peugny, François Dubet, Esther Duflo ou Thomas Piketty. Il est un des fondateurs et rédacteurs en chef de La Vie des idées, revue en ligne née en 2007. En 2013, il fonde la collection "La Vie des Idées" aux Presses universitaires de France. Sa démarche d'écrivain s'appuie sur un travail minutieux d'historien, à la recherche de témoignages et d' archives. Pour "Histoire des grands-parents que je n'ai pas eus", il a reçu le prix du Sénat du Livre d'histoire 2012, le prix Guizot 2012 de l'Académie française. En 2016, Ivan Jablonka consacre à Laëtitia Perrais, une serveuse tuée en janvier 2011 par Tony Meilhon, un "roman vrai", "Laëtitia ou la fin des hommes". Ce roman obtient le Prix littéraire du Monde 2016 et le prix Médicis.
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