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- expo : Rétrospective du cinéaste Frank Borzage à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé (jusqu'au 7 octobre)
le 03/09/2025
Films accompagnés par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel.
Au même titre qu’Howard Hawks ou John Ford, Frank Borzage est l'un des réalisateurs les plus importantes de l’Âge d’or d’Hollywood. Réalisateur star du muet, auteur de 103 films, la grâce de ses images et la poésie de sa mise en scène ont donné naissance à des œuvres majeures du cinéma pour lesquelles Martin Scorsese a toujours reconnu « l’extraordinaire délicatesse de son style ». La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé dédiera son premier cycle de la saison à l’œuvre muette de ce rêveur éveillé, cinéaste des amours éperdues. De nombreux films seront présentés pas des historiens et critiques de cinéma. On notera aussi une conférence de Jean-Loup Bourget sur le cinéaste (Frank Borzage, le cinéaste des cœurs simples, vendredi 12 septembre à 17h30), ainsi qu’une séance exceptionnelle vendredi 19 septembre en présence de l’historienne du cinéma Janet Bergstrom qui présentera son documentaire sur les parcours croisés de Murnau et Borzage à la Fox, de Sunrise à Lucky Star.
Cinéaste du romantisme par excellence, Frank Borzage n’en est pas moins un des fondateurs de l’âge d’or d’Hollywood, admiré de ses pairs Serguei Eisenstein, Joseph von Sternberg, Marcel Carné, Samuel Fuller, Raoul Walsh ou encore Martin Scorsese.
Sa carrière débute en 1912, il est alors acteur chez Thomas H. Ince, William S. Hart ou Reginald Baker (aux côtés des acteurs japonais Sessue Hayakawa et Tsuru Aoki), avant de rapidement réaliser ses propres films, notamment quelques estimables westerns comme Until They Get Me (1917) et des mélodrames. C’est dans ce genre qu’il connaît un premier succès public en 1920 avec Humoresque, adaptation d’un roman de Fanny Hurst qui marque les débuts d’une collaboration fructueuse avec Frances Marion en tant que scénariste. Norma Talmadge contribue également à cette association avec Secrets et The Lady (1924) qu’elle produit et dans lesquels elle interprète le rôle principal. Mais c’est son arrivée à la Fox en 1925 qui va permettre à Frank Borzage de s'imposer comme l'un des cinéastes majeurs de son époque, à l’image de John Ford ou Raoul Walsh, avec des films comme L’Heure suprême (Seventh Heaven, 1927) pour lequel il reçoit l’Oscar du Meilleur réalisateur. Le film voit surgir un des couples mythiques du cinéma muet de la fin des années 1920 : Janet Gaynor et Charles Farrell, que l’on retrouve dans Street Angel (1928) et Lucky Star (1929).
Partiellement retrouvé, The River (1928) a nécessité un travail de reconstitution qui laisse entrevoir une touche d’érotisme (qui a offusqué les puritains et ému les surréalistes) que Borzage a voulu insuffler dans son œuvre. Avec une délicatesse et une poésie rare, Borzage a peint et sublimé le couple, l’amour et la passion en ancrant ses personnages, souvent des parias ou des rêveurs, dans une réalité quotidienne parsemée d’obstacles : la guerre, l’interdit social ou religieux, l’injustice. Il a introduit au cinéma le romantisme et les sentiments, l’éclosion du désir, le jeu de la séduction et la naissance de l'amour.
La rétrospective proposera une vingtaine de films muets qu’il a réalisé entre 1916 et 1929, quelques films pour lesquels il a été acteur et une poignée de ses films sonores (Bad Girl, 1931, Secrets, Man's Castle, 1933). Plusieurs restaurations menées par le MoMA, la Cineteca di Bologna, la Library of Congress et la Film Foundation seront montrées.
-Conférence exceptionnelle de Jean-Loup Bourget sur Frank Borzage, le cinéaste des cœurs simples le Vendredi 12 septembre à 17h30 : *De 1916 à 1959, la longue carrière de Frank Borzage aborde les genres les plus divers, du western au film de pirates et à l’épopée biblique, mais elle est surtout remarquable par son ancrage assumé dans le mélodrame, d’Humoresque et de L’Heure suprême à la « trilogie allemande » de Et demain ?, Trois Camarades et The Mortal Storm. Ses mélodrames n’ont pas la flamboyance de Sirk et de Minnelli, ni l’ampleur épique de Vidor et de DeMille, ni l’ironie de Stahl, mais ils s’attachent le plus souvent à des héros et des héroïnes issus de milieux humbles, voire défavorisés ou marginaux, parfois ethniques (juifs ou irlandais), qui sont victimes de circonstances qui les dépassent et les écrasent (la crise, la Grande Guerre), et s’efforcent de survivre en s’appuyant sur leur foi religieuse, leur croyance à l’amour plus fort que la mort, à la vertu de la parole donnée et de la compassion. Dans l’ombre de Murnau à la Fox, où il a dirigé lui aussi Janet Gaynor et Charles Farrell, Borzage doit être redécouvert pour ses mérites propres et pour ses relectures de Fannie Hurst et de Lloyd C. Douglas, mais aussi de Hans Fallada et d’Erich Maria Remarque.
*Jean-Loup Bourget est professeur émérite d’études cinématographiques à l’École normale supérieure et critique à la revue Positif. Il est l’auteur ou le coauteur de dix-sept ouvrages, dont plusieurs sont consacrés partiellement à l’œuvre muette de cinéastes : Le Mélodrame hollywoodien (1985), Lubitsch, ou la satire romanesque (avec Eithne O’Neill, 1987), John Ford (1990), Fritz Lang, Ladykiller (2009), Cecil B. DeMille, le gladiateur de Dieu (2013), King Vidor (avec Françoise Zamour, 2016), Sir Alfred Hitchcock, cinéaste anglais (2021). Il s’est longtemps rendu aux Giornate del cinema muto de Pordenone et fréquente aujourd’hui assidûment la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.
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