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- BD : Simenon - La maison du canal de José-Louis Bocquet (dessin de Edith) aux éditions Dargaud
le 26/09/2025
À la mort de son père, Edmée, une jeune fille de 16 ans ne pouvant vire seule, quitte Bruxelles pour s'installer dans une ferme chez des cousins qu'elle ne connaît pas, au coeur de la Flandre profonde. Le contraste est brutal entre les lumières de la grande ville et l'ambiance pesante de la campagne flamande, sillonnée de canaux et plongée dans une lumière blafarde. Pour Edmée, le choc est d'autant plus rude que, le jour de son arrivée, c'est le père de sa nouvelle famille qui décède à son tour. Pour ne rien arranger, elle découvre que les terres sont hypothéquées et que les finances familiales se révèlent moins florissantes qu'annoncé, bref, que la ruine menace la veuve et ses six enfants. Désormais, elle va devoir apprendre à se faire une place parmi ses cousins et cousines, aux tempéraments si différents. Parmi eux, deux frères que tout oppose : Fred, l'aîné, dur, sensuel et paresseux, et Jeff, son cadet, difforme, bourreau de travail, mais capable de douceur et de délicatesse. Tous deux semblent fascinés par Edmée, qui ressent pour eux un mélange d'attirance, de mépris et de répulsion. Entre lourds secrets et jeux troubles de séduction et d'autorité parfois ambigus, l'atmosphère se délite peu à peu, ouvrant la voie à un drame que rien ni personne ne pourra empêcher...
Dans un récit publié au début des années 1930 que Georges Simenon considérait comme son premier « roman libre » loin de son célèbre commissaire Maigret, l'écrivain belge explore les tréfonds de l'âme humaine et ses noirceurs, abandonnant la linéarité de l'enquête policière qui structurait encore Le passager du Polarlys, écrit quelques années plus tôt (et déjà adapté en bd par José-Louis Bocquet). Ici, ce n'est pas l'intrigue qui prime mais l'humanité nue des personnages et le poids écrasant de leurs destinées, matérialisé par le ciel bas et glacé de la campagne flammande. Il fallait tout le talent de José-Louis Bocquet et surtout d'Édith - son sens du cadrage, des couleurs, des lumières - pour traduire graphiquement cette atmosphère si lourde dans laquelle Edmée et ses cousins sont comme englués. Le graphisme rend presque palpables la pesanteur de leur quotidien et le poids accablant de leur destinée. Monotonie des existences, poids des héritages familiaux, violence des relations sociales : avec une concision et une distance toute simenonienne, c'est un examen sans concession de la noirceur de l'âme humaine que nous proposent les auteurs dans cet album magistral de 96 pages, aux thématiques extrêmement contemporaines.
-Les auteur(e)s : *C'est à Neuilly-sur-Seine que naît, le 28 août 1962, le petit José-Louis, si vite passionné par la BD qu'il fonde, à l'âge de treize ans, ‘BIZU', son propre fanzine. Il conçoit ensuite plusieurs recueils illustrés pour ‘Bédérama' en proposant des compilations d'auteurs tels que Franquin, Binet ou Andréas. Pour satisfaire sa passion pour la lecture, il devient employé de la librairie Temps Futurs au début des années 1980 et, avec son ami et complice Jean-Luc Fromental, il participe à la réalisation des ouvrages de L'Année de la bande dessinée, publiés par ce temple parisien de la BD et de la SF. Ses premiers articles commencent à paraître dans ‘Métal hurlant', et il devient attaché de presse des Humanoïdes associés en 1983, puis directeur de collection chez ce même éditeur. Ses premiers scénarios sont illustrés par Serge Clerc, Arno, Franz et Max. C'est avec la collaboration de François Rivière pour les scénarios et de Philippe Berthet au dessin qu'il commence en 1983 "Le privé d'Hollywood" (Dargaud). De 1989 à 1991, il scénarise, pour Francis Vallés, la trilogie des aventures du reporter Dorian Dombre (Glénat). En 1991, il participe avec Jean-Baptiste Gilou à la création des éditions La Sirène, où il publiera une monumentale monographie sur le cinéaste Henri-Georges Clouzot. Homme aux goûts et aux talents multiples, il a est également été rédacteur en chef adjoint de ‘Salut les copains ' et animateur sur TF1, mais l'écriture reste son activité principale. José-Louis Bocquet publie ses premiers romans dans la « Série noire », chez Gallimard. Depuis, il en a signé six autres pour Le Masque, Autrement, Buchet-Chastel et La Table ronde. Chez Actes Sud et Flammarion, il est également l'auteur de monographies consacrées à Georges Lautner, André Franquin et René Goscinny, ainsi qu'au courant du rap en France. Scénariste pour la télévision et le cinéma, il a collaboré avec Pierre Jolivet, Hervé di Rosa, Olivier Mégaton, Doug Headline, Éric Valette, Patrick Grandperret et Georges Lautner. Pour Catel, il signe par ailleurs les scénarios de "Olympe de Gouges", "Kiki de Montparnasse", "Joséphine Baker" ou encore "Alice Guy" (Casterman), des biographies de femmes qui ont marqué l'histoire. En 2022, il retrouve José-Louis Bocquet et co-signe le scénario de "Huit heures à Berlin", le 29e tome de Blake et Mortimer dessiné par Antoine Aubin.
*Édith, née le 25 juillet 1960 à Marseille (Bouche-du-Rhône), est une illustratrice et une autrice de bandes dessinées française. Après des études à l'École nationale supérieure des arts décoratifs (Paris), Édith rejoint l'atelier Asylum, où elle rencontre Riff Reb's, Cromwell et Arthur Qwak, avec lesquels elle participe à plusieurs ouvrages collectifs. En 1990, elle illustre « Sâti », le premier des cinq tomes de « Basil et Victoria » (Les Humanoïdes associés), une série jeunesse écrite par Yann. La série, qui rencontre rapidement du succès, est adaptée en 1993 pour la télévision par le studio d'animation Ellipse. La même année, lors du festival d'Angoulême, l'Alph'Art du meilleur album est attribué au tome 2. Depuis, Édith met en images de nombreux récits, pour les enfants comme pour les adultes, écrits par des scénaristes de renom, à l'image de Corcal, Rascal ou Zidrou. Seule, elle signe les adaptations du « Jardin de minuit » (Soleil Productions, 2015), un récit fantastique de Philippa Pearce, et de « Séraphine » (Rue de Sèvres, 2022), de Marie Desplechin. En 2023 paraît « Moi, Edin Bjornsson » (Oxymore), le premier album dont elle imagine et dessine le scénario. Elle se lance ensuite dans l'adaptation d'un roman Georges Simenon, avec José-Louis Bocquet.
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