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Denali (jusqu’au 19 octobre)
le 17/09/2025
au
théâtre Juliette Récamier, 3 rue Juliette Récamier 75007 Paris (du mercredi au dimanche à 19h)
Mise en scène de Nicolas Le Bricquir avec Rose Noel, Pierre de Brancion, Romain Bouillaguet, Caroline Fouilhoux en alternance avec Marine Barbarit, Sarah Cavalli, Léa Millet, Louise Guillaume écrit par Nicolas Le Bricquir
2019, un crime atroce saisit les USA. Une jeune américaine d’Anchorage (Alaska), Denali Brehmer, 18 ans, est soupçonnée d’avoir été recrutée sur internet par un homme pour commettre un crime en échange d’argent. D’après les enquêteurs, un homme de 21 ans vivant dans l’Indiana, Darin Schilmiller, se faisait passer sur les réseaux sociaux pour un millionnaire et avait noué une relation avec elle. Il aurait promis au moins 9 millions de dollars (soit plus de 8 millions d’euros) pour ce crime, en échange d’images du meurtre. Denali avait ainsi ciblé Cynthia Hoffman, 19 ans, présentée comme la meilleure amie de Denali Brehmer (source de France Info). C’est l’histoire de ce crime atroce que « Denali » entreprend de nous raconter en partant des interrogatoires de police et en remontant aux faits. Sur le plateau, deux espaces sont alternativement éclairés : à droite la partie commissariat de police, à gauche l’action en train de se dérouler. Pour que les choses soient claires, un comédien est à gauche de la scène, dans la pénombre devant son écran d’ordinateur. Il figure le spectateur que nous sommes, regardant l’action sur scène comme s’il s’agissait d’une série télé. De la série télé, Denali reprend d’ailleurs l’esthétique, plutôt réussie : un tulle permet l’apparition et la disparition des espaces de jeu, sans cesse changeants. On passe ainsi d’un lieu à l’autre, de la forêt, lieu du crime, au domicile de la funeste héroïne. De la série US, Denali reprend aussi les codes narratifs. Le récit est structuré en épisodes que le spectateur virtuel sur scène va faire défiler devant nous. Et c’est là que le spectacle est le plus faible : à force d’allers-retours temporels entre le commissariat et l’action elle-même, le spectateur se perd. Concernant le jeu, il est plat et sans nuances, la sonorisation de l’ensemble des comédiens n’aide d’ailleurs pas aux nuances et lorsque la tension intervient, elle se manifeste par des cris empêchant parfois le spectateur de percevoir ce qui se dit. Et pourtant, il y aurait eu matière à creuser un peu plus, et à nous donner à comprendre la détresse de cette trop jeune femme, paumée, mère célibataire livrée via les écrans à la morsure d’un prédateur qui trouve là une cible facile, bien trop facile d’ailleurs. Un metteur en scène plus inspiré nous aurait fait toucher du doigt la misère intellectuelle et la pauvreté financière de cette ado grandie trop vite qui voit dans ce bel inconnu (le manipulateur envoyait des photos d’inconnues trouvées sur le net) et la fortune qu’il lui promet l’espoir de sortir de sa condition. L’honnêteté nous contraint toutefois de dire que la salle était pleine et satisfaite le soir de notre venue. Sans doute grâce à l’effet d’un dispositif technique bluffant, d’une image léchée par une lumière découpée avec finesse, et d’une bande son impeccable.
Eric Dotter
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