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Relationshit (jusqu’au 17 novembre)
le 26/09/2025
au
Studio Hébertot, 78bis boulevard des Batignolles 75017 Paris (lundi et mercredi à 21h)
Mise en scène de Antoine Sentis avec Quitterie Arnaud, Jean-Charles Deval, Antonin Dobrowolska, Martin Pommier et Cécile Houette écrit par Antoine Sentis
Ils et elles débarquent dans leurs nouveaux locaux, ces jeunes loups et louves de la Tech, start- uppers avides de réussite et tellement certains de leur génie. Leur lieu de travail ? Un open space délimité symboliquement par une structure métallique lumineuse qui constitue leur terrain mais aussi la boite de jeu dans laquelle les acteurs de « Relationshit » vont évoluer sur le petit plateau du studio Hébertot. Informatique ? Logiciels ? Peu importe ce que l’on commercialise ici, l’essentiel, ce sont les valeurs véhiculées ou affichées. Ici, le mot d’ordre figure en lettres lumineuses : « Pour un monde meilleur ». Et c’est vrai qu’Alex, le patron de Sarrautech le professe, ce monde meilleur, et que par « ruissellement », le mantra se déplace. D’employé en employé (Oh pardon, de collaborateur en collaborateur), les mots s’enchainent comme des slogans presque vides de sens : il faut « créer du lien », être « collaboratif ». Alors, on les découvre peu à peu ces employés, chacun avec leurs petites habitudes, leurs travers, leurs trahisons, leurs échecs, dans leur boite, sorte de terrain d’expérimentation de la fausse convivialité et du vrai cynisme. Il y a bien sûr le patron (ou plutôt le CEO), Alex, peu charismatique mais véritable stratège de la boite, qui semble incarner le peu de confiance que le « boss » accorde lui-même au »bullshit » qu’il préconise pourtant. Son frère Aymeric, pourtant CT0 (entendez Chief technical officer) et associé, est le naïf du duo. Les mains dans le quotidien, il n’est guère consulté par son frère pour les décisions stratégiques dont une pourtant va changer leur vie. Yohan, le chef de projet, se veut un stratège mais l’est-il vraiment ? Et puis, il y les collègues ennemies, Aurélie et Myriam, VP Sales et CMO, qui ne sont jamais en retard d’une vacherie à dégainer l’une à l’égard de l’autre. Et enfin, invisible et toujours confondue avec une autre, il y a Julie, la stagiaire dévouée et négligée. La cohésion apparente et le fragile équilibre d’un projet d’entreprise basé sur des slogans plus que sur des valeurs, c’est la question que pose la pièce. Elle sera mise à l’épreuve à l’occasion de la restructuration de l’entreprise. On ne s’ennuie pas un instant en assistant à « Relationshit » : il faut dire que depuis les tragédies antiques, les luttes de pouvoir, surtout sur fond familial, ont toujours fourni leur lot d’intrigues au théâtre. L’auteur, Antoine Santis, un ex de la Tech, maitrise de plus les codes de la novlangue propre aux entreprises capitalistes qui ont décidé de camoufler la cruauté des relations hiérarchiques sous un joli vernis un peu pestilentiel (on comprend ainsi le nom de la pièce). Il a ici l’habileté de proposer un véritable texte de théâtre mis en dramaturgie et non une sorte d’atelier un peu démago permettant à un public choisi de se retrouver en miroir. En revanche, en metteur en scène novice de son propre texte, il laisse le spectateur sur sa faim et introduit trop peu de tension dans les rapports entre collègues. Les comédiens font certes « le job » mais l’on sent qu’ils ne sont pas au maximum de ce que leurs personnages leur demandent. On pense ainsi à Cécile Houette, intrigante de couloir à qui l’on aurait bien donné en exemple une « Cruella », cynique à la froide colère. Une comédienne tire cependant son épingle du jeu par le minimalisme de son jeu, et paradoxalement, c’est la stagiaire, Julie, jouée par Quitterie Arnaud, une stagiaire délaissée chez SARRAUTECH, mais peut-être pas dans l’intrigue (qui sait ?). Si « Relationshit » réussit à offrir une excellente vision sur le double monde de l’entreprise en général, et de la startup en particulier, elle manque de puissance et de détermination pour nous prouver que les relations en entreprise, c’est vraiment du « shit ».
Eric Dotter
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