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M.O.L.I.E.R.E.(jusqu’au 18 janvier 2026)
le 03/10/2025
au
théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes 75016 Paris (du jeudi au samedi à 19h et dimanche à 15h)
Mise en scène de Elsa Robinne avec Clément Beauvoir, Lucas Henaff, Etienne Luneau, Joseph Robinne ou Marine Dubruque écrit par Clément Beauvoir, Lucas Henaff & Etienne Luneau d’après la vie et l’œuvre de Molière
En entrant dans la superbe bonbonnière que constitue le théâtre du Ranelagh, le spectateur a le sentiment que la fête du théâtre a commencé : les comédiens sont déjà sur scène. Rien de plus normal : c’est de théâtre dont on va parler ici et plus précisément de « Molière » comme s’intitule presque le spectacle. Presque ? Oui, car le collectif Grand Tigre, à l’initiative de cette pièce, a décidé de décliner chacune des lettres du pseudonyme de JB Poquelin en autant de termes qui s’appliqueraient à cette relecture de la vie de l’auteur du « Bourgeois Gentilhomme ». Apprêtez-vous donc ici à voir un « Méli mélo Oratoire Librement Inspiré d’Errances dans le Répertoire de l’Eponyme ». La liberté, et l’errance (joyeuse), elles, sont présentes à tout moment dans le spectacle : costumes de ville, physiques du XXIème siècle. Le premier tableau nous offre une relecture rafraichissante de l’affrontement entre le jeune Molière, encore Poquelin, et son père, tapissier de son état qui ne peut envisager que son fils aille faire le saltimbanque. Le soutien de son grand-père n’est pas grand-chose face au courroux du géniteur du futur auteur et meneur de troupe. Le jeune Poquelin va néanmoins s’émanciper du joug paternel, et nous allons ainsi suivre la folle course de Molière au fil des ans, au fil de ses rencontres, au fil de ses soutiens royaux et des petites ou grandes traitrises qu’il subira, lui qui n’était cependant pas exempt de reproches. Le récit nous fait ainsi assister à la naissance de la troupe de « l’Illustre théâtre » de Molière et de son jeu presque naturaliste, opposé à celui grandiloquent des comédiens de l’Hôtel de Bourgogne, la troupe concurrente. Peu à peu, la fond rejoint la forme : les comédiens du collectif Grand Tigre ont en effet décidé, non seulement de truffer leur texte de citations piochées dans le répertoire de Molière (toujours en mentionnant l’origine de la citation), mais également de coller à l’esprit qui était celui des comédiens de sa troupe : corps et mots se donnent ainsi la main pour contribuer à faire de ce spectacle un moment d’énergie pure et souvent de rires. C’est que les comédiens ne se ménagent pas, et en premier lieu Etienne Luneau, le bondissant et très plastique Molière, mais également Clément Beauvoir et Lucas Henaff qui incarnent à eux seuls une foultitude de personnages croisés par Molière. On est totalement dans l’esprit de ce théâtre de troupe et de comédiens itinérants qui caractérisait Molière et sa compagnie. Parmi toutes les scènes à l’efficacité comique indéniable, on n’en mentionnera qu’une ici : celle des deux comédiens commentant à la manière d’une course cycliste la folle tournée de la troupe de Molière dans la France entière. Clin d ‘œil à la modernité, le spectacle est tapissé des notes de Joseph Robinne qui, aux claviers, façonne en direct un tapis musical et bruité discret mais efficace, parfois en puisant lui aussi dans le répertoire, dont l’inévitable Rameau. On le sait, le travail de la troupe de Molière était un travail collectif et c’est cet esprit que l’on retrouve dans ce réjouissant spectacle conçu pour que tous, jeunes et moins jeunes y adhèrent avec enthousiasme. M.O.L.I.E.R.E n’est que l’un des éléments du triptyque d’une lecture respectueuse mais rigolarde de l’œuvre d’un auteur de théâtre. Les membres du collectif « Grand Tigre » se sont par ailleurs attaqués à Tchekhov et à Shakespeare. A ce jour, nous n’avons vu que le Molière cité ci-dessus mais nul doute que la troupe, qui joue, écrit et met en scène, a le même talent. Après avoir été montrées à Paris l’an dernier et reprises à Avignon cet été, ces trois pièces ont élu domicile en alternance au Ranelagh. Allez-y en confiance, vous verrez du vrai théâtre !
Eric Dotter
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