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Million dollar baby (sur Canal + Grand Ecran)
Sortie
le 21/05/2025
De Clint Eastwood avec Clint Eastwood, Hilary Swank et Morgan Freeman (les 21, 22, 24, 27 et 30/05)
Rejeté depuis longtemps par sa fille, l’entraîneur Frankie Dunn s’est replié sur lui-même et vit dans un désert affectif, en évitant toute relation qui pourrait accroître sa douleur et sa culpabilité. Le jour où Maggie Fitzgerald, 31 ans, pousse la porte de son gymnase à la recherche d’un coach, elle n’amène pas seulement avec elle sa jeunesse et sa force, mais aussi une histoire jalonnée d’épreuves et une exigence, vitale et urgente : monter sur le ring, entraînée par Frankie et enfin concrétiser le rêve d’une vie. Après avoir repoussé plusieurs fois sa demande, Frankie se laisse convaincre par l’inflexible détermination de la jeune femme. Une relation mouvementée, tour à tour stimulante et exaspérante, se noue entre eux, au fil de laquelle Maggie et l’entraîneur se découvrent une communauté d’esprit et une complicité inattendues. La jeune femme prend ainsi, insensiblement, la place vacante de la fille de Frankie, tandis que ce dernier assume à sa façon le rôle du père qui très tôt fit défaut à Maggie. A la suite d’un match décisif, tous 2 vont devoir affronter ensemble un combat qui exigera d’eux encore davantage de cœur et de courage.
Un film exalté et exaltant à la gloire de la persévérance et de l’effort, de l’amitié et de l’affection, de la fraternité et de l’amour, qui vous met KO au bout de 2 heures 13 ! C’est sans doute pour toutes ses raisons que les membres de l’Académie des Oscars ont remis autant de statuettes dorées au film de Clint Eastwood. En grand vainqueur de cette 77ème cérémonie, il a raflé les plus importantes, celle du meilleur film et du meilleur réalisateur, ainsi que celle de la meilleure actrice pour Hilary Swank, déjà récompensée de la même distinction en 2000 pour le film Boys don’t cry et ici bouleversante en apprentie boxeuse qui tente de s’en sortir, et du meilleur second rôle pour Morgan Freeman, ancien pugiliste devenu gardien et homme à tout faire de ce gymnase qui voit tout ce qui se passe, et de plus chroniqueur en voix off de ce mélo poignant. En effet, le scénario s’articule autour d’un drame, celui de cet homme mûr et angoissé, négligé par sa fille et abandonné par son boxeur professionnel le plus prometteur, tout comme cette jeune femme mal née qui fait la serveuse et la plonge dans un restaurant miteux pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, une mère obèse et inactive, et une soeur profiteuse et mère/fille. D’un côté, Clint Eastwood nous joue l’éternel solitaire décharné au caractère bien trempé qu’il nous a toujours interprété dans ses précédents films (que ce soit le cow-boy taciturne et avare de paroles, ou l’inspecteur Harry qui n’écoute que son imposant magnum) ; et de l’autre, Hilary Swank nous fait son garçon manqué à la personnalité dominante et au vécu apparent, comme elle a sue si bien nous le montrer dans ses derniers films en spécialiste des rôles défis à risques (pour preuve, dans Boys don’t cry, Intuitions et Insomnia). Bref, 2 humains qui tenteront de ne pas se laisser bouffer par la vie, aussi bien par ses déboires que par ses contraintes et autres problèmes ! Pour cette occasion, il s’est fait un look à la Paul Newman derrière ses cheveux coupés courts et ses lunettes baissées à mi-nez, et elle s’est musclée autant le corps que l’esprit. Pour lui, le mutisme et la réserve sans le silence et l’inactivité, et pour elle, la hargne et la rage sans l’agressivité ni la violence. On ne peut que féliciter cette mise en scène sobre et dépouillée, aux images d’une grande beauté, à la fois sombre et léchée, tout comme ce montage parfaitement maîtrisé, dans une suite de séquences tour à tour décontractées et graves. On est juste un peu étonné que Clint Eastwood ait choisi une histoire qui se déroule encore une fois dans le milieu de la boxe avec son esprit de compétition et ses relations humaines profondes, déjà maintes fois revues et corrigées au cinéma en beaucoup plus poignants et stylisés (souvenez-vous par exemple de Racing Bull, de Nous avons gagné ce soir, ou encore d’Ali !), et qu’il n’ait pas apporté plus de suspense et de rebondissements à ce sujet évident d’un bout à l’autre. On se doute bien que réticent, il va finir par accepter de prendre sous son aile protectrice cette femme fougueuse pour l’entraîner, qu’elle va forcément gravir les échelons un par un pour parvenir à ce qu’elle voulait, et que lui va revivre au contact de cette femme pugnace, pleine de tonus et de vitalité. A force de raconter de manière trop rapide son ascension pour le moins fulgurante (à chaque fois qu’elle monte sur le ring, elle dégomme ses adversaires dès le premier round), on sait pertinemment qu’il va se passer quelque chose d’effroyable et qu’elle finira mal. Psychologiquement, il n’y a rien de bien nouveau ni d’extraordinaire dans ce scénario tragique, pas révolutionnaire ni très original, sachant que tout repose essentiellement sur la magistrale interprétation des 3 protagonistes principaux. Même si Clint Eastwood passe rapidement sur certains détails, quelques invraisemblances (comment peut-elle arriver à un tel niveau en partant de rien, à cet âge avancé et en si peu de temps ?) comme aucunes explications (notamment, on n’entendra plus parler de la méchante boxeuse qui mettra « KO » notre héroïne alors que cette dernière avait gagné), on se laisse prendre par la beauté des codes et des coutumes comme de l’esprit et du langage de la boxe, par la senteur de ces salles de sports transpirantes et par ces rings enfumés, par l’endurance de ces hommes et femmes qui se font parfois défoncer la gueule, pardon, qui reçoivent des coups pour quelques centaines de dollars, et par la morosité ambiante qui finit par s’installer au bout de quelques années chez ces êtres démunis. Celui qui représente un peu tout cela n’est autre que Morgan Freeman, âme de ce gymnase vétuste et décrépit, et narrateur de cette fresque anonyme, sensible et touchante, qui vous fera sans doute verser une petite larme sur le mauvais sort de ces damnés et surtout la triste destinée de cette jeune femme obstinée, avide et motivée qui, comme seule planche de salut, n’a rien trouvé de mieux que de tenter de s’accomplir sur un ring. Bel effort pour cette belle œuvre généreuse sur la rédemption qui ressasse tout de même toujours un peu les mêmes valeurs mais qui semble plaire beaucoup au public américain ! Espérons que ce sera prochainement le même engouement chez nous….
C.LB
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