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Mémoires d’une geisha (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  13/10/2025  

De Rob Marshall avec Zhang Ziyi, Gong Li, Michelle Yeoh, Ken Watanabe, Koji Yakusho, Youri Kudoh, Kaori Momoi, Tsai Chin et Suzuka Ohgo


Quelques années avant la seconde Guerre Mondiale, Chiyo, une petite fille japonaise, est arrachée à sa famille pauvre pour aller travailler comme servante dans une maison de geishas. En grandissant, elle se plie avec docilité à l’initiation difficile qui fera d’elle une vraie geisha. Elle triomphe des pièges que lui tend sa rivale, la fourbe Hatsumomo et devient, après des années de travail, la légendaire geisha Sayuri. Très belle, épanouie dans son art, Sayuri fascine les hommes les plus puissants. Mais celle qui n’a plus le droit d’aimer reste hantée par l’amour qu’elle porte, en secret, au seul homme qu’elle ne peut atteindre….

Il faut tout d’abord éviter de faire un amalgame simpliste, une confusion éhontée et surtout une erreur grossière quand à la signification et au jugement que l’on porte, nous occidentaux, sur le terme geisha, mot galvaudé depuis des années et en général employé d’une manière péjorative dans notre langage, utilisé pour signifier pute ou femme de petite vertu en japonais alors qu’il s’agit en réalité d’une femme de compagnie, élégante et racée, qui servait les hommes de façon prestigieuse. Depuis plusieurs siècles, ces compagnes majestueuses et respectées, ni épouses ni prostituées donc mais très « courtisées », gagnent leur vie en divertissant des hommes puissants et riches. Elles ont connu leurs heures de gloire jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, époque où l’occupation américaine les a quelque peu reléguée aux oubliettes. A ce qu’il paraît, il existe encore aujourd’hui ici et là d’authentiques geishas qui continuent à divertir leurs clients dans d’élégantes maisons de thé. Vous êtes d’accord qu’il fallait faire cette petite distinction avant de se lancer dans la présentation et le débat de ce film pour le moins flamboyant. Passé donc ce cours théorique et explicatif, on peut entrer dans le vif du sujet qui est celui de l’existence et spécialement de l’apprentissage d’une jeune japonaise aux rîtes, traditions, cérémoniales, apparences et autres coutumes, concernant l’art d’être geisha au début du XXème siècle. C’est que cette « profession » n’est pas, semble-t-il, de tout repos car il faut paraître la plus belle, la plus charmante et la plus douée de toutes : savoir flatter l’hôte que l’on accompagne et le servir comme il se doit avec le gestuel adéquat et le rituel de circonstance ; danser comme une reine avec par exemple des éventails ; porter des tuniques, appelées kimonos, plus lourdes et encombrantes les unes que les autres ; jouer du shamisen,un instrument à 3 cordes qui ressemble à une guitare mais typiquement nippone ; se farder le teint et une partie du corps pour qu’il soit le plus blanc possible ; marcher avec des sandales en bois compensées de 20 centimètres de haut ; et surtout réussir à se vendre aux enchères comme la pucelle la plus affriolante du marché. Bref, un vrai sacerdoce en perspective pour ces dames, véritables objets de luxe ! Et bien sûr, dans pareille description d’un autre temps comme d’une autre culture, il est également question d’amitié, d’épreuves, de futilité, de tragédies, d’abnégation, de rivalités, de décadence, de superficialité, de complots et bien sûr d’amour, voire même de grand amour quasi impossible car dans ce milieu, l’amour doit être méprisé comme une illusion. En un mot, nous sommes en face d’un mélodrame japonais à la sauce américaine, joué essentiellement par des chinoises et chinois (à part 5 rôles) qui parlent anglophones et qui s’adressent aux servantes uniquement en nippon. Plutôt éclectique et mélangée comme réalisation, d’autant qu’elle est produite en partie par Steven Spielberg ! Ainsi, nous sommes plongé dans une représentation plus ou moins fidèle d’un Japon ancestrale, riche et glorieux après la guerre en Manchourie, avec des fresques visuelles de toute beauté, très proches de l’art pictural et des calligraphies en noir et blanc (notamment dans les 5 premières minutes du film), une reconstitution minutieuse d’une ville japonaise traditionnelle dans les années 30 et 40 (avec le quartier du plaisir à Kyoto et son hanamachi, quartier des geishas, ses temples resplendissants, ses théâtres raffinés et ses ruelles sombres), et de son univers à la fois étrange et somptueux, aussi secret qu’étonnant, plein de ramifications et de codes mal ou méconnus de nous (l’initiation et la métamorphose de fraîches jeunes filles en redoutables femmes fatales, leurs rites de la danse et de la musique, leurs cérémonies de l’habillage, de la coiffure et du thé). On se croirait revenu en arrière, tellement la précision des lieux, que ce soit celle des maisons de geishas ou des jardins sophistiqués avec leurs cerisiers en fleur, ainsi que l’atmosphère qui s’en dégage, sont parfaitement rendus, certes à l’ancienne mais avec un soucis d’authenticité. C’est à ce point si fin et subtil qu’on pourrait vraiment l’apprécier à sa juste valeur si le film ne durait pas aussi longtemps (2h20 pour nous raconter comment attirer l’attention des hommes et déjouer la jalousie des rivales), s’il n’était pas aussi académique dans sa transcription visuelle, nonchalant et prévisible d’avance dans sa narration. Le regard des américains sur un monde qui n’est pas le leurs est toujours bourré de clichés et de représentations un peu simplistes (souvenez-vous du film Le dernier samouraï avec Tom Cruise !), ainsi que de situations dévoilées dès le départ pour faciliter la bonne compréhension du spectateur américain lambda. Cette voix off (celle de l’héroïne vieillissante) qui vient ponctuer l’histoire nous permet de savoir rapidement les aboutissants et la finalité de son récit tumultueux. Sur le plan scénique, rien de nouveau, juste un esthétisme probant, irréprochable dans sa clarté, sa limpidité et sa lumière, et une mise en scène soignée qui représente en fin de compte un bel exercice de style mais qui à la longue se révèle un peu plat et fade au final. On attendait un peu plus du réalisateur Rob Marshall (Chicago avec ses 6 Oscars) qui laisse ici défiler les bobines sans nous tenir réellement en haleine à un seul moment et cela malgré le poignant et captivant livre d’Arthur Golden dont est inspiré ce film fort détaillé. Son script, qui se devait mystérieux et puissant, est ici sans réelle surprise et on s’étonne même que ce type de production très classique existe encore et soit, elle aussi, trop galvaudée comme justement l’emploi du terme geisha. Les comédiens n’y sont pour rien, eux qui donnent toute l’intensité et toute l’émotion qui doivent être de mise en pareille circonstance. Ni l’héroïne Zhang Ziyi (Tigre et dragon, Rush hour, Hero, Le secret des poignards volants), ni son mentor Michelle Yeoh (Tigre et dragon, Demain ne meurt jamais, Police story 3), ni encore sa rivale Gong Li (Le sorgho rouge, Epouses et concubines, Shangaï triad, Adieu ma concubine, Chines box, Eros), ne sont en cause, bien au contraire, puisqu’elles apportent leur grâce, leur fougue et leur talent à cette entreprise un peu lourde à digérer. Quoi qu’il en soit, on sort de ce film exotique moins emballé et fasciné que certaines productions chinoises typiques made in china, qui savent si bien nous faire rêver avec moins de plans statiques et de dialogues pompeux ! Comme l’âge d’or des geishas qui se déroule dans un monde en déclin et touche à sa fin, les légendes et fables asiatiques au cinéma ne sont plus ce qu’elles étaient….



 
 
 
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