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Persepolis (sur Canal + Grand Ecran)
Sortie
le 16/12/2024
De Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud avec les voix de Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux, Simon Abkarian et Gabrielle Lopes
Téhéran 1978 : Marjane, 8 ans, songe à l’avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Avec l’instauration de la République Islamique débute le temps des « commissaires de la révolution » qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l’Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère. Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l’envoyer en Autriche pour la protéger. A Vienne, Marjane vit à 14 ans sa 2ème révolution : l’adolescence, la liberté, les vertiges de l’amour mais aussi l’exil, la solitude et la différence.
Saviez-vous que ce film d’animation, en compétition officielle au 60ème festival de Cannes, est au départ une bande dessinée, réalisée par son auteur, Marjane Satrapi, elle-même co-réalisatrice ici avec Vincent Paronnaud, auteur lui aussi de BD ? En effet, cette jeune femme d’origine iranienne a mis en page son talent comme une bonne partie de son existence (16 ans de sa vie) dans des BD (Persépolis 1, 2, 3 & 4), ainsi qu’à travers des livres pour enfants, des dessins pour les journaux et des fresques murales. Bref, ce film d’animation raconte un grand pant de la vie de Marjane Satrapi à partir de ses 4 premiers albums de bandes dessinées (cités ci-dessus), lorsqu’elle était enfant jusqu’à son adolescence hors de son pays. Elle a préféré utiliser ce procédé d’un « réalisme très stylisé » plutôt que des images réelles qui auraient sans aucun doute fait perdre de l’universalité de son histoire, à la fois exotique et « tiers-mondiste ». Néanmoins, il faut faire abstraction du dessin en noir et blanc, comme des décors et des lieux (juste quelques bases des villes de Téhéran et de Vienne), pour permettre à chacun de mieux s’identifier totalement face aux situations racontées, entre autre dans les moments oniriques imaginés par cette petite fille. L’avantage d’employer artistiquement et esthétiquement ce type de dessin, qui a demandé tout de même 3 années de travail, est de pouvoir garder une cohérence et une unité tout au long de cette histoire certes pleine de douleur et de désespoir mais aussi intéressante que passionnante dans son contenu. Même si ce film d’animation raconte notamment la guerre entre l’Irak et l’Iran qui a duré 8 ans (avec un million et demi de morts à la clé !), il montre aussi le jeu des voix des acteurs très présentes (Chiara Mastroianni interprète par exemple la jeune Marjane, et Catherine Deneuve,...sa mère et Danielle Darrieux, sa grand-mère), des personnages (en tout, 600 différents), de leurs mouvements, de leurs expressions et de leurs dialogues (fort savoureux et souvent drôles), ainsi qu’il dépeint des scènes très quotidiennes et très réalistes de l’environnement dans lequel a baigné notre héroïne, depuis sa prime jeunesse jusqu’à son âge adulte. Rien n’a été oublié ou laissé au hasard, ni dans les émotions vécues à fleur de peau ou endurées qui sont dégagées avec beaucoup de tact et de nuance, ni le parfait équilibre entre moments essentiels et choses un peu gratuites, entre sobriété et fantaisie narrative, indispensable à la bonne marche et compréhension de cette histoire. Tout est vrai dans les moindres détails et les plus petites anecdotes, même ceux qui disparaissent malheureusement mais réellement en court de route. Il faut tout de même avoir à l’esprit que l’Iran fait toujours aujourd’hui la une de l’actualité et qu’il est bien difficile d’oublier ce qui s’y passe comme ce qu’on y lit, entend et voit : vous ne pourrez donc pas vous empêcher de regarder ce film avec ce prisme-là (celui de l’axe du mal, composé uniquement que de barbus islamistes, intégristes et terroristes) et même de le juger revendicatif, avec tout ce que cela comporte comme situations politiques complexes et réalité actuelles. Loin d’être un film-tract, à thèse ou de propagande, Persépolis est avant tout un film puissant et profond, à la fois grave et léger,plein de poésie et d'émotions sur l’amour porté à une famille et à des parents. Voilà un bel exercice de style « ethnique », autobiographique et à caractère historique, aussi exigeant que singulier, et une belle leçon d’humanité qui méritent qu’on s’y attarde un peu, voire même plus…..
C.LB
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