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L’affaire Farewell (sur Ciné + Frisson
Sortie
le 22/11/2024
De Christian Carion avec Emir Kusturica, Guillaume Canet, Alexandra Maria Lara, Ingeborga Dapkunaite et Olesksii Gorbunov (les 22, 23 et 27/11)
Moscou, au début des années 80, en pleine Guerre Froide. Sergueï Grigoriev, colonel du KGB déçu du régime de son pays, décide de faire tomber le système. Il prend contact avec un jeune ingénieur français en poste à Moscou, Pierre Froment. Les informations extrêmement confidentielles qu’il lui remet ne tardent pas à intéresser les services secrets occidentaux. Mitterrand lui-même est alerté et décide d’informer le président Reagan : un gigantesque réseau d’espionnage permet aux soviétiques de tout connaître des recherches scientifiques, industrielles et militaires à l’Ouest ! Les 2 hommes d’Etat décident d’exploiter ces données ultrasensibles transmises par une mystérieuse source moscovite que les français ont baptisée Farewell. Homme sans histoires, Pierre Froment se retrouve alors précipité au cœur de l’une des affaires d’espionnage les plus stupéfiantes du 20ème siècle. Une affaire qui le dépasse et qui menace bientôt sa vie et celle de sa famille…
Voilà une aventure d’espionnage qui aux premiers abords semble plutôt haletante, voire même palpitante et de plus, basée sur des faits réels, nous permettant ainsi de découvrir un pan caché de notre histoire à travers un certain nombre d’évènements survenus il y a de cela maintenant à peine 30 ans ! Le monde libre actuel, c'est-à-dire la fin de l’opposition entre les 2 plus grandes puissances mondiales, doit beaucoup à quelques hommes qui se sont « sacrifiés », au sens propre comme au sens figuré, pour que l’ex-URSS cesse de piller inlassablement l’Occident et puisse enfin changer de politique afin de survivre au communisme en perdition. Vaste entreprise que le réalisateur Christian Carion (Une hirondelle a fait le printemps ; Joyeux Noël) nous raconte d’une manière très classique, grâce à une mise en scène pour le moins traditionnelle, plus portée sur les dialogues que sur l’action. Un parti pris sans doute poussé par un budget au rabais par rapport à ceux U.S. (souvenez-vous des 3 jours du condor et de Gorky Park !), mais qui a tout de même son charme (cela nous change un peu des films à l’américaine basés et rythmés trop souvent sur les fusillades, poursuites, explosions et autre cascades en série) comme un handicap, celui de ne traiter que le côté verbal de l’histoire sans pimenter l’ensemble de quelques scènes dites mouvementées comme cela a dû se passer véritablement. D’ailleurs, la présence de plusieurs styles musicaux bien distincts (Léo Ferré, Queen) fait office de références marquantes en souvenir d’une période certes trouble mais révolue. Bref, c’est un moyen comme un autre de se concentrer uniquement sur la destinée humaine de ces 2 héros dans cette incroyable affaire qui va les dépasser, un officier supérieur russe qui passe son temps à mentir mais qui, déçu par le système soviétique pour ne pas dire écoeuré par l’idéal communiste, a envie que les choses bougent vraiment dans son pays, et un ingénieur français basé en URSS, simple petit contact presque insignifiant (pourquoi cet homme et pas un autre ?) mais espion malgré lui et bien obligé de prendre des risques à son corps défendant. Si l’interprétation du premier, celle du réalisateur, comédien et musicien Emir Kusturica, à la fois débonnaire et très à l’aise dans ce rôle charismatique sur mesure, est très convaincante et évidente à plus d’un titre en espion qui venait du froid, la prestation du second, jouée par un Guillaume Canet aussi stressé et hésitant que peu naturel, semble particulièrement figée (un peu plus que dans Espions de Nicolas Saada), au point qu’il se limite à n’esquisser que 2 ou 3 expressions faciales grand maximum pendant les presque 2 heures du film. Néanmoins, et malgré quelques raccourcis éhontés comme les multiples rencontres répétées en voiture, on se laisse porter par le (bon) déroulement de cette péripétie dont on connaît tous les aboutissants depuis longtemps. Ce qui n’empêche nullement d’apprécier à sa juste valeur les nombreux méandres par lesquels ont du passer nos 2 espions, les différents rapports qui ont pu exister entre le KGB, la CIA et la DST, et les sosies employés ici pour représenter les présidents et chefs d’Etat en place à cette époque, notamment un Mitterrand hiératique (sous les traits du formidable Philippe Magnan, assez ressemblant) et un Reagan nostalgique de westerns, tous les 2 plutôt assez caricaturaux dans leur genre. En résumé, voilà un film fascinant et légèrement exotique qui se veut le plus proche de la réalité, le tout sur fond d’une longue histoire de trahison qui entraîna d’abord la chute du mur de Berlin en 1989 puis l’effondrement du bloc soviétique 2 ans plus tard, rien que cela !
C.LB
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