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Un juif pour l’exemple

Sortie  le  14/03/2018  

De Jacob Berger avec Bruno Ganz, André Wilms, Elina Löwensohn, Aurélien Patouillard, Baptiste Coustenoble, Pierre-Antoine Dubey, Elina Lövenshon et Paul Laurent


1942, en Suisse dans la ville de Payerne, Fernand Ishi a prêté serment au Parti nazi. Dans la ligne de mire, Arthur Bloch, 60 ans, marchant de bétail, sera le juif à tuer pour l'exemple.
67 ans plus tard, en 2009, quand l'écrivain suisse Jacques Chessex se souviendra de ces faits, il deviendra à son tour l'ennemi à abattre.


Avec un titre pareil et on ne peut plus explicite, comment ne pas s’imaginer avoir encore à faire à une histoire se déroulant pendant la 2ème guerre mondiale ? Certes, c’est bien le cas ici et pourtant, peu de choses voire à peine vous rappellera cette fois cette période dramatique, de par une reconstitution à peine visible à l’œil nu, parti pris simple mais pas simpliste de la part du réalisateur et peut-être aussi, faute de moyens conséquents pour le démontrer ! En effet, si certains personnages à la mine patibulaire arborent une petite moustache caractéristique, portent un pantalon bouffant d’officier allemand, signent du salut fasciste, utilisent des armes d’un autre temps et écoutent des discours nazis, rien ne permet de savoir que nous sommes plongé à nouveau en plein conflit puisque les décors d’immeubles et les moyens de locomotion (tracteurs, voitures et motos) sont bel et bien actuels.
Et c’est bien là toute l’astuce de cette petite production helvétique qui mise sur une corrélation scénaristique originale en forme de télescopage et d’alternance d’un épisode historique à l’autre, tout en nous racontant un fait divers réel qui s’est passé certes il y a 75 ans mais qui est intégralement tourné dans un village de campagne d’aujourd’hui. Seul un écrivain interprété par André Wilms, qui joue le même protagoniste à 2 dates et à 2 âges différents, sert de témoin, de souvenir et de lien entre ses 2 époques, narrateur notant scrupuleusement le déroulé des évènements tragiques pour les retranscrire plus tard dans un livre rédempteur et réparateur, pourtant assez mal accueilli par ces concitoyens. Car il est bien question de gravité, d’effroyable, de violence et de cruauté à travers la funeste destinée d’un marchand de bétail bernois, sous les traits de l’excellent Bruno Ganz, bouc émissaire malchanceux de la part de sympathisants fachos dans toute leur splendeur.
Comment ne pas être d’abord quelque peu décontenancé puis, par la suite, bousculé par cette manière de dépeindre ces actes, de les exposer et de les développer en mélangeant le passé et le présent de façon plus ou moins fluide, une manière comme une autre de nous interpeller activement ? Pourtant, l’aspect austère de la photo nous permet de comprendre quand et où nous sommes rapidement. On doit cette libre et intelligente adaptation du roman éponyme de Jacques Chessex au cinéaste et metteur en scène de théâtre suisse Jacob Berger (Aime ton père ; 1 journée) qui réussit à nous captiver tout en nous faisant découvrir un petit pan de l’Histoire de ce paisible et civilisé pays pourtant neutre en 39/45 mais où il s’est passé des choses pas toujours très chrétiennes, une position qui fait d’ailleurs toujours débat autour de plusieurs comportements ségrégationnistes extrémistes d’aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, c’est sans (aucun) doute pour de bonnes raisons que l’acteur Bruno Ganz a remporté en 2017 le Prix du cinéma suisse dans la catégorie Meilleur acteur pour sa formidable prestation en commerçant lâchement assassiné « pour l’exemple »...

C.LB



 
 
 
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