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Rue des Cascades

Sortie  le  19/09/2018  

De Maurice Delbez avec Madeleine Robinson, Serge Nubret, René Lefèvre, Lucienne Bogaert, Suzanne Gabriello et Daniel Jacquinot


Belleville, 1963. Alain, petit garçon d’une dizaine d’années, vit seul avec sa mère, qui tient une épicerie café de la rue des Cascades. L’arrivée de Vincent, l’amant noir de sa mère, vient bouleverser son existence. Autant par racisme ordinaire que par jalousie, l’enfant commence par rejeter le nouveau venu. Par sa grande gentillesse, son humour et son imagination, Vincent désarme les aprioris du petit garçon qui devient son meilleur allié. Mais ses copains de jeu n’ont pas forcément le même avis…

Le titre du film, qui devait s’appeler au départ Un gosse de la Butte, correspond à une rue parisienne qui existe encore dans le 20ème arrondissement, juste en dessous de la rue des Pyrénées en plein cœur du quartier populaire de Belleville. Il n’en fallait pas plus pour que le réalisateur Maurice Delbez (A pied, à cheval et en voiture ; la série télévisée Les Saintes Chéries) y plante son décor tout en s’emparant de cette histoire qu’il a adapté du roman de Robert Sabatier sous le titre Alain et le nègre, et ainsi faire apparaître des portraits de personnages particulièrement truculents. Que ce soit Alain, un petit garçon blond à la gueule d’ange qui regarde le monde des adultes du haut de son jeune âge, jusqu’à Vincent, l’amant noir, pardon, de couleur de sa mère qui devra un jour quitter ce doux cocon familial, en passant par les copains d’école, les habitués de l’épicerie/bar que tient sa maman et les amis de Vincent, c’est tout un florilège de rencontres, de réactions, d’espiègleries et d’étonnements plus drôles et plus touchants les uns que les autres.
C’est aussi l’occasion de (re)voir un Paris d’antan avec ces paysages, ces parfums, ces « couleurs » (bien que le film ait été tourné en noir & blanc), ces ruelles, ces magasins, ces tenues et ces objets d’époque, une plongée dans une « atmosphère d’après-guerre » à la tonalité et à la gouaille des plus « rétro » et vintage qui soit : une touche ancienne certes quelque peu désuète sur les bords mais ô combien charmante et réjouissante à l’écran (il n’y a qu’à entendre les dialogues du fameux scénariste Jean Cosmos pour s’en rendre compte !). On ne se lasse pas non plus de retrouver les regrettés Madeleine Robinson (vue notamment dans Une histoire simple, J’ai épousé une ombre, et Camille Claudel), Serge Nubret (célèbre culturiste français dit La panthère noire), René Lefèvre (présent entre autres dans Le doulos, Le crime de monsieur Lange et Gueule d’amour), Lucienne Bogaert (aperçue dans Le corbeau, Les dames du Bois de Boulogne et Maigret tend un piège) et Suzanne Gabriello (également chanteuse et compagne de Jacques Brel), le tout sur fond d’une courte chanson composée et interprétée par Henri Salvador. Bref, que du beau monde dans le milieu du cinéma – et de la chanson - de cette période !
Néanmoins, ce long métrage étonnant, aussi pionnier qu’engagé, marqua presque la fin derrière la caméra de son cinéaste, tant il fut un échec retentissant lors de sa sortie dans une seule et unique salle parisienne : pensez donc, l’histoire d’une femme de 40 ans, seule et libre, qui vit une histoire d'amour avec un jeune et beau Antillais de 20 ans son cadet, ça ne pouvait pas être acceptée ni tolérée dans cette société corsetée en ce temps-là, intolérance, hypocrisie, racisme et machisme obligent ! Quoi qu’il en soit, même si on a l’habitude de dire « autre époque, autres mœurs », cette production restaurée, véritable plaidoyer en faveur de la femme et de la liberté d’aimer, est un petit bijou de tendresse, de bonne humeur, de justesse, d’humour, de délicatesse, de féminité et de nostalgie retrouvées.....

C.LB



 
 
 
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