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La fièvre de Petrov

Sortie  le  01/12/2021  

De Kirill Serebrennikov avec Semyon Serzin, Chulpan Khamatova, Yurly Borisov, Yuliya Peresild, Yuri Kolokolnikov et Aleksandra Revenko


Affaibli par une forte fièvre, Petrov est entraîné par son ami Igor dans une longue déambulation alcoolisée, à la lisière entre le rêve et la réalité. Progressivement, les souvenirs d’enfance de Petrov ressurgissent et se confondent avec le présent…

Le film du cinéaste russe Kirill Serebrennikov (L’adultère ; Le disciple ; Leto) est exactement à l’image de son pays, du moins, de celle que nous puissions en avoir, c’est-à-dire passionné, agité, délirant, un peu fou quoi, voire déjanté, limite dégénéré. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa réalisation nous dépeint des personnages (avec de ces gueules, dans l’esprit de celles de La comédie humaine de Balzac !) qui semblent vivre autant sur leur « glorieux passé » - à travers des images et des propos faisant parfois référence à l’ancien régime soviétique – que sur un présent sale et plutôt incertain allant à vaux l’eau, où le respect comme la croyance de certaines valeurs ont foutu le camp et où l’avenir de chacun(e) n’annonce rien de bien réjouissant.
En effet, il nous montre avec talent un environnement du genre « sans foi ni loi », autour de longs plans séquences distordantes, « sublimés » par une folie ambiante presque palpable (notamment au début et à la fin) et des scènes bigarrées plus ou moins ubuesques ou fantasmées (on navigue entre rêve et réalité, souvenirs d’antan et quotidien actuel), baignées dans des grands décors décrépis comme abandonnés, le tout sur fond d’une mise en scène richement léchée et de cadrages plutôt originaux. Son Petrov, interprété par Semyon Serzin, est malade (grippe ?) et laisse divaguer son imagination et ses impressions au gré de son humeur comme de son errance « alcoolisée ». D’autres protagonistes ont quant à eux soit des envies de meurtre au couteau (à ses heures perdues), soit des désirs inavoués (elle voit des mecs nus partout).
On sent bien que le réalisateur s’est fait plaisir avec volupté et démence, laissant sa caméra tourner (2h25 tout de même, ce n’est pas rien d’autant que ça s’essouffle par moment !), ses intervenants blablater à tout bout de champ (philosophant à peine mais gesticulant fort et levant le verre à bon escient), son scénario osciller entre constat général attristé et virage azimuté jusqu’à 180° (on ne vous parle pas de quelques effets spéciaux saisissants de réalisme), et sa BO nous inspirer (il y a même de la musique classique jouée à l’accordéon, c’est vous dire !).
Bref, une nuit de troubles pleine en visions déroutantes aussi diverses que variées - dont certaines incompréhensibles d’ailleurs (le club littéraire) -, aussi hallucinées qu’hallucinantes, aussi exaltées qu’exaltantes, aussi stylées que stylisées, aussi barrées que violentes également, où le maître-mot pourrait bien être comment laisser vagabonder son esprit fiévreux quand on a 39°, voire beaucoup plus, dans une ex-Russie aussi atteinte que vous-même ?

C.LB



 
 
 
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