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Tàr (sur Canal + Box office)

Sortie  le  12/11/2023  

De Todd Field avec Cate Blanchett, Noémie Merlant, Nina Hoss, Sophie Kauer, Julian Glover, Allan Corduner et Mark Strong


Lydia Tár, cheffe avant-gardiste d’un grand orchestre symphonique allemand, est au sommet de son art et de sa carrière. Le lancement de son livre approche et elle prépare un concerto très attendu de la célèbre Symphonie n° 5 de Gustav Mahler. Mais, en l’espace de quelques semaines, sa vie va se désagréger d’une façon singulièrement actuelle. En émerge un examen virulent des mécanismes du pouvoir, de leur impact et de leur persistance dans notre société.

Ce film aurait pu tout aussi bien s’intituler « Grandeur et décadence d’une maestra », tant la représentation de cette femme haute en couleur nous permet de découvrir ses moments (professionnels comme privés, réglés comme du papier à musique) d’abord de célébrité, de renommée et de gloire, puis, au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, de déshonneur, de honte et de disgrâce, s’entremêlant petit à petit sous nos yeux dans une spirale inexorable, jusqu’à pousser son interprète principale vers la porte de sortie. Mais pour jouer tout en subtilité et en nuance un tel personnage, il fallait une actrice à la hauteur, pour ne pas dire d’exception voire qui en impose vraiment, afin de revêtir à la perfection l’habit de cette cheffe d’orchestre âpre et compositrice ambitieuse, au tempérament de fer et de feu – tout à fait de circonstance ici ! -, à la fois exigeante et volontaire, obséquieuse et autoritaire, dure et implacable, cassante et impitoyable, qui parle par allégorie.
Cate Blanchett est tout simplement superbe, comme habitée limite possédée par ce rôle impliqué par la musique, tout en démesure et dans lequel il faut suivre ses règles (« elle ne demande pas, elle exige ! »). Elle crève à nouveau l’écran de son omniprésence (pendant plus de 2h30 !), nous faisant un festival à elle toute seule, jusqu’à presque complètement vampiriser ces autres partenaires pourtant fort méritantes. Qu’on la suive lors de ses cours ou de ses répétitions, pendant un déjeuner ou un débat (notamment à travers un long discours en intro), avec son assistante ou alors chez elle, c’est devant une sorte de « tornade humaine » à laquelle nous sommes conviés. Pour elle, c’est tout pour la musique (ou rien), avec parfois quelques zones d’ombres, entre affaires de mœurs, « écarts, accusations » et autres dérapages !
Le réalisateur et scénariste Todd Field (In the bedroom ; Little Children) n’aurait jamais pu faire ce long métrage finement maîtrisé sans la participation de cette excellente et performante, bref, « géniale » actrice – elle a d’ailleurs obtenu, pour cette prestation complexe, la coupe Volpi de la meilleure interprétation féminine à la dernière Mostra de Venise. Malgré pas mal de longueurs, certains plans séquences parfois interminables et un côté intello légèrement prétentieux, on se laisse porter par le jeu intense et impeccable de la talentueuse Cate Blanchett qui pourrait bien, à force de rendre ce personnage fictif tellement réel, rafler encore beaucoup d’autres distinctions bien méritées. Si « pour participer au bal, tu dois servir le compositeur », il ne faut pas pour autant s’y connaître beaucoup en musique classique, mais juste se laisser porté par la partition certes difficile mais aussi précise que réaliste, que ce soit pour la mise en scène très minutieuse que pour le casting 5 étoiles, de ce biopic 100% imaginé…

C.LB



 
 
 
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