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La danseuse

Sortie  le  28/09/2016  

De Stéphanie Di Giusto avec Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp, François Damiens, Louis-Do de Lencquesaing, Amanda Plummer et Denis Menochet


Loïe Fuller est née dans le grand ouest américain. Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus. Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse. Mais sa rencontre avec Isadora Duncan, jeune prodige avide de gloire, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle.

La Belle Epoque serait-elle revenue à la mode au cinéma ? Après bien des films sur cette période un peu folle tournés dans les années 50, 60 et tout début 70 (souvenez-vous de French Cancan, La ronde, Moulin Rouge – la version de 1952 -, Casque d’or, Les grandes manœuvres ou bien encore Gigi !), suivi récemment de Minuit à Paris de Woody Allen (en 2011) et tout dernièrement du biopic de Chocolat de Roschdy Zem, voici celui de la muse Loïe Fuller, l’histoire vraie certes d’une inconnue du grand public mais néanmoins d’une icône du tout Paris et pionnière de la danse moderne avant l’heure, qui « brilla » dans tous les sens du terme à travers plusieurs endroits de la Capitale dont les Folies Bergères. Sa technique était de tournoyer sur elle-même vêtue de plusieurs mètres de soie blanche en utilisant des projecteurs à électricité pour créer différents motifs via ses danses raffinées et ses chorégraphies virevoltantes. Cela ne vous rappele-t’il rien ? Si, sans doute pour certains, Isadora Duncan, l’autre danseuse de l’époque et grande rivale de la 1ère qui immortalisa à tout jamais cette manière très particulière de virevolter avec des voiles.
Pour interpréter cette artiste avant-gardiste de « haut vol », certes précurseuse dans son domaine mais toutefois oubliée de (presque) tous aujourd’hui, la réalisatrice Stéphanie Di Giusto (dont c’est ici le 1er long métrage) a fait appel à l’actrice et chanteuse Soko qui donne totalement vie, corps et épaisseur à son personnage, cette femme aussi farouche que frondeuse qui, partie de rien (entre une mère bigote et un père ivrogne, mort par-dessus le marché) mais à la vocation bien chevillée au corps, a réussi à devenir l’une des danseuses les mieux payées au monde, jusqu’à même inspirer d’autres illustres créateurs comme elle, le sculpteur Rodin et le peintre Toulouse-Lautrec. Côté « ballet », c’est un enchantement visuel de toute beauté, d’une luminosité et d’une délicatesse à toute épreuve, sur fond d’une BO classique des plus inspirées et des plus prenantes qui soient.
En revanche, question sensualité, c’est plus l’aspect disons charnel qui prend le dessus, voire les devants dans la 2ème partie du film, mettant en exergue d’abord les jalousies puis les attirances et enfin les préférences sexuelles de ces demoiselles - proches de jolies nymphes en liberté (elles bougent un peu comme la dernière pub pour le parfum d’un célèbre styliste japonais !) - les unes envers les autres (surtout Loïe Fuller), et laissant les rares hommes servir de mécène ou bien/et aussi de potiche (et Gaspard Ulliel en est ici le parfait exemple dans la peau « sacrifiée » d’un comte éthéromane à la fois emprunté, figé, rigide, posant tout le temps et avec « un accent américain ridicule ». Quant à François Damiens, méconnaissable en directeur des Folies Bergères, et Lily-Rose Depp, gracieuse en Isadora Duncan, ils tirent très honorablement leur épingle du jeu.
Il se dégage de cette production une belle atmosphère pleine de spleen et de lumière, une jolie ambiance à la fois épurée et embuée, autant d’un côté que de l’autre de l’Atlantique d’ailleurs, le tout parsemée de beaux paysages (aussi bien parisiens – la maison du comte – que new-yorkais – à Brooklyn à la fin du 19ème siècle -), de grands décors (celui de la danse des miroirs où « l’art nouveau débarque à l’Opéra de Paris ! ») et d’arts scéniques précis (rien que le spectacle de la célèbre danse intitulée « serpentine » est une révolution à elle toute seule !). Bref, on se laisse emporter par cette histoire touchante d’un autre temps, d’une maîtrise, d’une ampleur, d’une grâce et même d’une légèreté à toute épreuve....

C.LB



 
 
 
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