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- livre : Les tasses – toilettes publiques, affaires privées de Marc Martin aux éditions Agua

le  04/11/2019  



La pissotière n’a jamais eu bonne réputation.
Certains films ont une scènes emblématique dans les toilettes publiques (souvenez-vous de Blow out, Arizona junior, Witness - témoin sous surveillance, Un fauteuil pour 2, L'année du dragon, Elephant man, Robocop, Tango & cash, Jumeaux...).


Dans le placard de la belle Histoire, les tasses font tache (dans l’argot du siècle dernier, la tasse c’était la vespasienne). Érigées dans l’espace public à l’heure de l’hygiénisme, les vespasiennes devaient répondre aux besoins naturels de la population masculine. En privé, les tasses ont répondu à un besoin social. Des hommes en quête d’identité (et de découvertes) y ont posé les premières pierres du vivre ensemble.
Les activités détournées dans les toilettes publiques ont certes laissé davantage de traces dans les registres de la police des mœurs que dans les pages de la littérature (de Marcel Proust à Julien Green, d’André Gide à Jacques de Lacretelle…). Elles sont davantage synonyme de honte que de fierté au sein même de la communauté homosexuelle. Pourtant, ces édifices, qui se confondent avec les aventures de nombreux gays, travestis, prostitués, libertaires, offraient une sacrée liberté échappant à tout enjeu économique formaté. Ces lieux de passage et de sociabilité atypique voyaient les classes sociales s’estomper, les cultures se mélanger…

Ces lieux, dits glauques et sales, offraient l’avantage de pratiques sexuelles immédiates et anonymes. Ils ont rendu bien des services à tous ceux qui ne pouvaient recevoir chez eux et afficher leur tendance au grand jour. Les « tasses » d’antan avaient bien ce mérite-là. On a souvent reproché aux hommes qui fréquentaient les pissotières d’être lâches, qualifié de sordides leurs rencontres en ces lieux publics. Or, n’ont-ils pas osé braver les interdits ? N’ont-ils pas, depuis plus d’un siècle, osé affronter des plaisirs défendus ? J’aimerais qu’on reconnaisse à ces hommes un certain courage. Je voudrais rendre à ces endroits, qui ont abrité tant de frissons, leur part troublante de sensualité.

Les informations relevées par les arrestations de l’époque le démontrent. Le livre, grâce aux Archives de la Police de Paris, reproduit des flagrants délits datant du milieu du XIXe siècle. Au-delà des histoires de mœurs, on découvre que « les tasses » furent à Paris un lieu d’échange et de rendez-vous pendant la Résistance. Qu’elles se sont immiscées dans l’affaire Dreyfus ! Qu’elles ont permis aux féministes de faire entendre leurs premières revendications…
Le livre de 300 pages (dont 240 de photos et d’illustrations, ainsi que 120 documents d’archives inédites) explore la question de l’altérité dans la ville. Marc Martin ouvre des perspectives inattendues : l’épanouissement identitaire en résonnance avec l’émancipation collective. Ces lieux d’aisance et de désordre urbain éclairent un pan oublié de la vie d’avant.

Pour exposer ce qui semble indigne de l’être, Marc Martin s’est entouré d’historiens (Florence Tamagne, Gerard Koskovich...), chercheurs (Régis Schlagdenhauffen, Rudi Bleys...) auteurs (Sophie Danger, Christophe Bier, Didier Roth-Bettoni...) dessinateurs (Ralf König...), réalisateurs (Bruce LaBruce...), critiques d’art (Claude Hubert Tatot...), sociologues (Michael Bochow...) etc.
Ensemble, ils décryptent 200 ans d’histoire cachée et retracent le parcours épique des vespasiennes de Paris.

-L’auteur : Marc Martin (*1971) vit et travaille entre Paris et Berlin. Le photographe explore les fantômes urbains et leur interaction avec l’imaginaire érotique. Ses photos se réclament d’une liberté d’expression et prônent la visibilité de la sexualité dans toute sa diversité. L’artiste ne s’est donc pas penché sur les vespasiennes de manière anodine.
Son regard plastique croise les époques. Il ne se contente pas de clichés sur les dernières reliques comme autant de vestiges du passé. Il met en lumière le caractère convivial d’un édifice public où les hommes avaient posé les premières pierres du vivre ensemble.
Marc Martin rappelle également que dans certains pays, aujourd’hui encore, l’homosexualité se vit exclusivement dans le placard. Les pissotières, dans ces pays-là, poursuivent leur rôle de médiation.

*L'exposition Les Tasses, qui se tiendra au sein du point Ephémère du 07/11 au 06/12, débutera le jour phare de la Journée Mondiale des Toilettes, soit le 19 Novembre 2019. De nombreuses archives de la Police, des cartes postales, des photographies d'époque; tout sera mis en valeur pour révéler les indiscrétions de ces lieux qui mêlaient politique, sexualité et secrets bien gardés d'un ancien temps. Cette exposition révèle, entre autres, l'empreinte d'un endroit de liberté en milieu hostile à l'homosexualité. L'exposition parisienne fait suite au succès de celle inaugurée 2018 au Schwules Muséum de Berlin.



 
 
 
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