- BD : La peau de l’autre – tome 1 : pile et face de Serge Le Tendre (dessins de Gaël Séjourné) aux éditions Grand Angle

le  07/04/2021  



La chirurgie esthétique va changer sa vie…et le visage d’Hollywood ! Une version en 54 pages qui tend vers le Fantôme de l’Opéra revu et modernisé.

New York, 1940 - Ross et Harvey sont deux amis musiciens qui rêvent de devenir célèbres à Broadway grâce à leur comédie musicale qu’ils sont en train d’écrire. Mais la guerre éclate et Harvey, devenu pilote de bombardier, part se battre en Europe. Quand il revient, totalement défiguré par ses terribles blessures suite à l’explosion de son avion, il découvre dans la presse le véritable triomphe et le succès retentissant de son ami avec leur comédie musicale dont Ross s’est attribué la seule paternité. Comment réagir alors à cette trahison ?
Un an plus tard, Jason, un chirurgien esthétique radié de l’Ordre des médecins mais spécialiste de la greffe de peau avec qui il a vécu les combats, propose alors à Harvey, qui ne supporte plus la prothèse en cuir qui lui mange la moitié de son visage, d’être son cobaye. Il lui offre un nouveau visage qui pourrait devenir l’instrument de sa vengeance…
Dans le Hollywood d’après-guerre, un nouvel acteur fait sensation. En réalité, derrière le comédien se cache Harvey qui, grâce au travail de Jason, peut duper le monde du cinéma. Mais instable et sous morphine, la supercherie pourrait bien se révéler dévastatrice pour le jeune acteur…

À l'écriture, père de la série Chinaman, réserve un sort sombre et tragique au le protagoniste principal. Ce grand brûlé de guerre abandonné de tous car considéré comme mort, prépare son retour et compte bien faire payer au prix fort ses désillusions. Le scénariste met en place dans ce premier tome les bons ressorts scénaristiques et les ingrédients nécessaires - rebondissements, trahison - pour faire progresser lentement une tension palpable jusqu'au cliffhanger final.
Le personnage d'Harvey est intéressant à suivre, l'ambivalence de sa nature émerge au fil des pages bien aidés par la création à la lisière du fantastique, d'un nouveau visage façonné par un chirurgien de la peau. L'auteur, semble s'être inspiré des comics pour brosser son portrait. Ainsi, des similarités flagrantes apparaissent avec l'iconique Harvey Dent, présent dans l'univers de Batman. Défiguré également (lui à cause d'un jet d'acide) il alterne sur le devant de la scène avec son alter égo schizophrène, Double-Face.

Côté dessin, Gaël Séjourné (À la vie à la mort ; J’ai tué John Lennon) propose un graphisme rétro, à la fois souple et réaliste qui se marie admirablement avec l'ambiance psychologique forte de l'histoire. Le trait épuré et le choix des couleurs dans des tons vintage participent à ancrer parfaitement la mise en scène générale du récit, thriller doublé d’une machination très cinématographique. Une mention spéciale pour le soin apporté aux éléments extérieurs et la trogne horrifique d'Harvey.
Pile et Face pose les bases de l'intrigue et donne juste ce qu'il faut de suspense au lecteur pour attendre impatiemment la conclusion de ce diptyque. Et la suite promet d’être tendue et violente.

-Les auteurs :
*Serge Le Tendre (scénariste) : Serge Le Tendre est né en 1946 à Vincennes et vit à Rennes. Poursuivi par une enfance baignée par la bande dessinée, il décide d'en faire son métier et suit pendant deux ans les cours donnés par Giraud et Mézières à l'Université de Vincennes. Ses premiers scénarios datent de 1974 : plusieurs récits courts paraissent dans Pilote, illustrés par divers dessinateurs. Dès lors, Le Tendre collabore avec de nombreuses revues. Au début des années 80, il débute avec Régis Loisel, pour Charlie Mensuel, La Quête de l'Oiseau du Temps. Il co-scénarise ensuite avec Makyo, épisodiquement, la série Jérôme K. Jérôme Bloche, dessinée par Dodier et parue chez Dupuis. Sans cesser d'écrire des histoires courtes pour divers périodiques (Pilote, L'Echo des Savanes, Métal Hurlant), il signe trois albums des Errances de Julius Antoine avec Rossi. Puis il entame Le Cycle de Taï-Dor avec Serrano. En 1987 paraît chez Dargaud Les Fous de Dieu, premier tome des Voyages de Takuan, avec Emiliano Siméoni. A l'occasion de la sortie du deuxième tome, Le Livre de Sang, le premier tome est réédité, cette fois aux éditions Delcourt. TaDuc reprend la série au troisième tome, début d'une collaboration qui se poursuit avec Chinaman. Avec Servain, Serge Le Tendre s'attaque cette fois à la science fiction pour un récit tout en sensibilité : L'Histoire de Siloë. Mêlant étroitement un cadre futuriste inquiétant (des attentats répétés) à une évolution technologique de pointe (utilisation d'ultrasons et fragmentations de particules), il nous convie à une réflexion globale sur nos origines et, bien sûr, sur notre devenir...

*Gaël Séjourné (dessinateur) : Gaël Séjourné est né le 9 juillet 1966 à Saint-Nazaire. Il a connu la bande dessinée très tôt avec Titi Magazine, puis Pif Gadget, Tintin et Fluide Glacial, sans parler des Astérix et Lucky Luke qu’il recevait comme cadeaux à Noël. Ses premiers sérieux essais en matière furent humoristiques, privilégiant la caricature et la dérision. Un bac littéraire option arts plastiques en poche et après deux années de Fac d’Arts Plastiques, il trouve un poste de graphiste en 1988 dans une maison d’édition spécialisée en sécurité routière, où il rencontre Jean Verney à qui il proposa très vite de mettre ses dessins en couleurs. Après de multiples échecs, il rencontre Serge Perrotin qui lui propose un scénario ayant retenu l’attention de Vents d’Ouest. Abandonnant pour un temps, qui dure encore, son style humoristique pour le dessin réaliste, grâce aux conseils éclairés de Crisse, cela aboutit au premier Lance Crow Dog qui paraît finalement aux éditions du Téméraire en 1998. Réédité par les éditions Soleil, le dernier tome sort en 2003. C’est en dédicaçant ce dernier qu’il fait la connaissance de Joël Callède. Un an plus tard, Joël lui envoie le synopsis de Tatanka. L’histoire l’a tout de suite emballé, il fait trois planches d’essais en trois semaines et la quatrième est la bonne pour Delcourt. Ses goûts se tournent surtout vers des auteurs pratiquant la couleur directe, ce qu’il rêverait de faire un jour, ne serait-ce qu’écrire un one-shot, sur son propre scénario