- BD : Marathon de Nicolas Debon aux éditions Dargaud

le  25/06/2021  



Avant de suivre les Jeux Olympiques de Tokyo cet été, retour en 1928 sur ceux d’Amsterdam et notamment le marathon, avec une performance française extraordinaire contée par Nicolas Debon en 128 pages.

Amsterdam, Olympisch Stadion, le 5 août 1928. Le temps est maussade, et le vent souffle. Les coureurs du marathon, épreuve reine des J.O., entrent sur la piste ; il y a les Américains « les mieux soignés, les mieux chaussés, les mieux nourris » ; les Mexicains qui pourraient « courir des jours entiers sans boire ni dormir » ; la solide équipe anglaise ; les « Finlandais volants », les Japonais et plusieurs autres nations. Les Français ? Trois garçons à la belle allure et « un petit arabe » un peu frêle, simple manœuvre de 29 ans chez Renault à Billancourt et 7ème aux derniers J.O. de Paris en 1924. Tous se pressent au départ puis s’élancent, groupés, avalant les kilomètres. Les foulées se font plus lourdes, les corps se courbent…Ils ne sont plus qu’une poignée en tête. Stupeur et surprise générales : c’est le petit arabe dont on n’a pas retenu le nom qui franchit la ligne d’arrivée.

Premier athlète africain indigène à décrocher une médaille olympique en or, Ahmed Boughéra El Quafi est un Français d’Algérie. Il vit un instant de gloire, un exploit inattendu, une prouesse certes incroyable mais éphémère, avant de retomber dans l’anonymat voire l’oubli avant de mourir tragiquement dans la misère, tué dans des circonstances plutôt troubles…Mais ce n’est pas l’histoire de sa vie que raconte Marathon : dans cet album, Nicolas Debon parle de la course dans son intégralité, nous plonge au cœur de la fatigue, des crampes, des émotions, des pensées, de l’esprit du champion lors de cet effort insensé, bref, de ce qui se passe dans le corps et dans la tête de ces hommes rompus à l’effort et au dépassement de soi. Aucun athlète professionnel, mais des sportifs qui, après l’horreur de la guerre, se mesurent dans une lutte fraternelle.

Habitué des récifs sportifs (L’invention du vide ; Le tour des géants), Nicolas Debon choisit une narration linéaire, une sorte de long plan-séquence, et c’est par ce strict fil chronologique qu’il marque la durée de l’épreuve. La description est minutieuse, avec peu de texte, un découpage et des cadrages resserrés : un visage dans l’effort, des jambes qui courent, un paysage qui défile… Le récit est porté par de superbes illustrations charbonneuses mêlant codes de la BD et de la peinture aux teintes brique, avec une influence impressionniste dans le rendu du ciel tourmenté ou du vent qui souffle. Les couleurs sépia relevées de touches bleutées donnent également une unité au récit. Ce Marathon, course aussi redoutable que mythique, est magistral.

-L’auteur : Nicolas Debon est né en 1968 en Lorraine. Il étudie à l’école des Beaux-arts de Nancy, puis enchaîne des petits boulots dans l’administration culturelle. En 1993, il part au Canada où il réside une dizaine d’années, et devient notamment dessinateur de vitraux. Un cours du soir lui fait découvrir l’univers de l’illustration jeunesse, et il publie ses premiers travaux pour l’édition nord-américaine. Ses illustrations y sont remarquées (il est notamment finaliste des prix littéraires du Gouverneur général du Canada, et, en 2007, lauréat du Horn Book Award, un important prix de littérature jeunesse américain). Nicolas vit désormais près de Paris où il se consacre à l’illustration jeunesse (il a notamment travaillé pour Nathan, Gallimard Jeunesse, Flammarion/le Père Castor, Bayard) et, de plus en plus, à la bande dessinée. Il a également participé aux albums collectifs de la série La Fontaine des fables en tant que dessinateur tout en publiant son premier album en solo, Le Tour des géants. Paraissent ensuite, chez le même éditeur, L’invention du vide (2012) sur l’alpinisme, et L’essai (2015), 2 albums remarqués. En 2021, il signe Marathon, toujours avec sa maîtrise graphique qui lui permet de donner une réelle personnalité à son dessin et lui confère une ambiance prenante.