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Phantom thread

Sortie  le  14/02/2018  

De Paul Thomas Anderson avec Daniel Day-Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville, Camilla Rutherford, Sue Clark, Richard Graham et Jane Perry


Dans le Londres glamour des années 50, le célèbre couturier Reynold Woodcock et sa sœur Cyril sont au cœur de la mode britannique, habillant la famille royale, les stars de cinéma, les héritières, les mondains et les dames dans le style reconnaissable de la Maison Woodcock. Les femmes défilent dans la vie de Woodcock, apportant à ce célibataire endurci inspiration et compagnie, jusqu’au jour où il rencontre Alma, une jeune femme au caractère fort qui deviendra rapidement sa muse et son amante. Lui qui contrôlait et planifiait sa vie au millimètre près, le voici bouleversé par l’amour.

*Oscar 2018 des Meilleurs Costumes


C’est tellement rare de voir Daniel Day-Lewis jouer au cinéma, d’autant plus qu’il vient d’annoncer à 60 ans que ce rôle-là était sa toute dernière apparition à l’écran - lui qui fut pourtant 3 fois oscarisés (il est le seul homme à avoir remporté autant de statuettes !) comme meilleur acteur dans My left foot, There will be blood, et Lincoln -, qu’il ne faut en aucun cas rater l’occasion d’admirer une « ultime » fois l’art et la manière d’interpréter un personnage, que ce soit dans sa façon de l’investir, de le faire se mouvoir, de regarder l’autre ou d’exprimer un certain nombre de sentiments tout en dégageant quelque chose d’indéfinissable que l’on pourrait tout à fait appeler la géniale incarnation. Quoi qu’il fasse, il est tellement imprégné et pénétrant qu’il en arrive presque à occulter voire à vampiriser tous les autres protagonistes de l’histoire dans laquelle il se trouve (omni)présent !
Quoi qu’il en soit, tout auréolé qu’il a été – et qu’il ne sera sans doute plus sauf peut-être encore grâce à sa divine prestation dans ce film-ci ! -, il a fort à parier qu’il a rencontré ici une partenaire à sa hauteur, digne de figurer elle aussi dans les prochains palmarès voire d’être nominée aux Oscars, tant sa performance on ne peut plus parfaite mérite d’être révélée comme il se doit. En effet, la luxembourgeoise Vicky Krieps (vue notamment dans Hannah, Anonymous, Une histoire d’amour, Möbius, Un homme très recherché, et dernièrement dans Le jeune Karl Marx) irradie littéralement à l’image en nouvelle mannequin et petite amie du « patron », à la fois simple, nature, gaie, fraîche, décontractée et rayonnante, bref, en un mot, libre avant l’heure, complètement à l’opposé de ce créateur de haute-couture anglaise certes beau et élégant avec de la prestance mais austère, rigoureux à souhait et exigeant à plus d’un titre, entièrement absorbé par son travail d’esthète au point de négliger tout le reste et de ne « pas avoir le temps pour les conflits », vieux garçon plutôt très acharné sur les bords (totalement attaché à ses « œuvres » jusqu’à les récupérer lorsqu’elles sont mal portées !), où « ses petites habitudes ne doivent être en aucun cas contrariées » (un rien le perturbe !), allant même jusqu’à imposer des principes de vie monastiques, des rituels ou, si vous préférez, des règles strictes à suivre consciencieusement, ainsi que sa sœur qui tient cette « maison » (interprétée par l’excellente Lesley Manville, aperçue entre autres dans pas mal de films de Mike Leigh, ainsi que dans Le drôle de Noël de Scrooge, Je voyage seul, Maléfique, et Rupture), quasiment à tout bout de champ.
Elle va néanmoins, avec une attention pour ne pas dire une patience à la limite de la ferveur toute dévouée à son bien aimé, le découvrir à sa manière et le (re)modeler ou, du moins, le changer à son goût afin d’éviter de ne devenir à ses yeux qu’un simple fantôme, s’occupant de lui en toute circonstance, bousculant son train-train habituel, ralentissant la cadence ambiante, exigeant doucement mais sûrement qu’il lâche un peu prise (qu’il devienne tendre, ouvert et sans défense), quitte à devoir pour cela employer certains grands moyens disons « expéditifs » et peu recommandables. Quand on est une femme aimante, on ne compte plus ! Fort de ces situations britanniques parfois peu « catholiques », pardon, orthodoxes, on découvre l’envers du décor de cette maison prestigieuse – très différemment des 2 biopics réalisés sur Yves Saint Laurent ! -, avec un souci du détail et un mimétisme évident apportés par le travail de recherches méticuleuses, l’investissement engagé et l’œil intense toujours aux aguets de Daniel Day-Lewis (comme, par exemple, lorsqu’il se met à confectionner entièrement une robe !).
En résumé, cette mise en scène pour le moins académique, exagérément soulignée et même assez technique par moment mais toutefois fort inspirée version glamour, d’un charme rétro légèrement désuet, d’un raffinement on ne peut plus excessif et d’une sophistication particulièrement extrême, est le fruit du travail de le brillant américain Paul Thomas Anderson (Boogie nights ; Magnolia ; Punch-drunk love ; There will be blood – avec déjà Daniel Day-Lewis ! - ; The master ; Inherent vice), à la fois réalisateur, scénariste, producteur et qui fait également ici office de chef opérateur, jamais à court d’idées ni de cadrages pour nous en mettre plein la vue. C’est donc pour toutes ses « bonnes » raisons que l’on vous invite coûte que coûte à aller admirer cette incroyable histoire d’amour passionnelle au parfum suranné, sur fond « d’authentique » monde de la mode vintage comme on en voit assez rarement en salles....

C.LB



 
 
 
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