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Mai 68, la belle ouvrage

Sortie  le  25/04/2018  

De Jean-Luc Magneron avec Dominique Ange (auteur, compositeur, interprète), Julien Besançon (journaliste), Patrick Peynaud (journaliste), Jérôme Pietrazic (journaliste au Nouvel Observateur), Bernard Pons (externe à l’hôpital Brousset), étudiants des Beaux-Arts, des Arts Appliqués


En dépit des assurances du gouvernement et des consignes d'extrême modération que le préfet de police de Paris Maurice Grimaud avait personnellement, par courrier, adressées à chacun des vingt mille hommes qui servaient sous ses ordres, les événements de mai 68 comportèrent leur lot de brutalités. Jean-Luc Magneron enquêta à chaud sur cet aspect d'un mois printanier qui ne fut pas si joyeux pour tout le monde, réunissant les expériences de victimes ou de témoins oculaires, qui évoquent, les uns, la violence des coups de matraques, les autres, l'usage abusif des grenades lacrymogènes ou encore le blocage des secours et les insultes à caractère raciste.

Il était à peu près sûr voire carrément évident que, pour les 50 ans de Mai 68, on allait nous ressortir de derrière les fagots quelques « vestiges cinématographiques » figés sur pellicule autour des évènements marquants qui sont survenus et, surtout, qui ont particulièrement agité les rues de la Capitale et tout spécialement celles aux alentours du Quartier Latin ! On ne pouvait indéniablement pas passer à côté de cet « anniversaire » qui a marqué à la fois les esprits et les corps d’ailleurs, d’autant qu’aujourd’hui, il semble que la réforme des universités prenne un peu le même chemin que leurs aînés ½ siècle plus tôt !
Sans aller - on l’espère beaucoup - jusqu’aux barricades enflammées ni aux chaussées dépavées, les affrontements actuels à Nanterre comme à Tolbiac peuvent certainement rappeler au bon souvenir de quelques-uns qui ici répondent presque à chaud au micro et à la caméra du réalisateur Jean-Luc Magneron, peu après avoir été dans – et sous - le feu de l’action aux abords de La Sorbonne, du boulevard Saint-Michel et du boulevard Saint-Germain. Chacun y va de son témoignage, de ce qu’il a vu, entendu et/ou enduré lors des échauffourées musclés entre manifestants et policiers, à coups de récits, d’histoires, de versions et autres anecdotes vécus sur fond de descriptions de scènes de matraquages en règle (avec traumatismes et blessures en prime !), d’envois de grenades lacrymogènes (et plus !), ainsi que d’emprisonnements (enfermés par dizaines dans une même cellule) et même de viols.
Le parti pris choisi cette fois est uniquement du côté des témoins, qu’ils soient étudiants, journalistes, intellectuels, psychiatres, comédiens, politiciens, médecins, chauffeurs de poids lourd ou tout simplement passants (pas un seul flic ou CRS n’est interviewé et pour cause !), chacun relatant les insultes haineuses, la peur, la brutalité bestiale et même la sauvagerie de certains heurts, accusant plusieurs « agissements » intempestifs de la part des policiers du genre bavures, arrestations massives, sévices corporels et passages à tabac commis aussi bien dans la rue que dans certains commissariats d’arrondissements (les fameux « comités d’accueil » !). Si les personnes interrogées déplorent des débordements abusifs, preuves à l’appui venant notamment de victimes blessées qui commentent leurs agressions allongés sur leur lit d’hôpital, ils essayent tous d’être le plus honnête possible, employant un vocabulaire avec des mots et des tournures de phrase que l’on n’entend malheureusement plus beaucoup aujourd’hui. Un signe des temps qui avaient du bon, surtout en écoutant les termes actuels !
Ne vous fiez donc pas trop à l’affiche plus ou moins trompeuse, ce documentaire en noir & blanc est une suite d’entretiens assez longs (presque sur 2 heures de film !) avec les questions du reporter et les chroniques de la part de ceux – et celles – qui étaient là pour raconter ce qui s’est réellement passé ! Exceptées 2 minutes d’images d’archives au tout début (entre autres avec le discours de de Gaulle le 7 juin 1968 à la télévision) et au milieu (défilés au stade Charléty), vous n’aurez pas d’autres illustrations ni échantillons filmés de cette époque (pas de Daniel Cohn-Bendit haranguant les foules par exemple) ! Bref, on comprend un peu mieux pourquoi ce réquisitoire social pour le moins figé et engagé, certes assez instructif mais fort bavard qui avait été présenté à la première Quinzaine des Réalisateurs en 1969, est resté au fond d’un tiroir pendant tout ce temps sans jamais avoir été diffusé nulle part !

C.LB



 
 
 
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