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Sortie  le  06/06/2018  

De Jafar Panahi avec Behnaz Jafari, Jafar Panahi, Marziyek Rezaei, Maedeh Erteghaei, Narges Delaram et Fatemeh Ismaeilmejad

Une célèbre actrice iranienne reçoit la troublante vidéo d’une jeune fille implorant son aide pour échapper à sa famille conservatrice... Elle demande alors à son ami, le réalisateur Jafar Panahi, de l’aider à comprendre s’il s’agit d’une manipulation. Ensemble, ils prennent la route en direction du village de la jeune fille, dans les montagnes reculées du Nord-Ouest où les traditions ancestrales continuent de dicter la vie locale.

Présent au festival de Cannes 2018 en compétition officielle, ce film plus ou moins dramatique a remporté le prix du scénario – ex-æquo avec Heureux avec Lazzaro- et a fait quelque peu parler de lui, notamment à travers le simple constat que son réalisateur, Jafar Panahi, n’a pas pu venir recevoir son prix ni même le défendre sur place, dans l’impossibilité d’assister personnellement à la projection ainsi qu’à la conférence de presse qui suit, et encore moins aux différents interviews pour cause d’interdiction de sortie de son territoire natal, l’Iran. Interdit de tournage et assigné à résidence pour une vingtaine d’années par le pouvoir islamique de son pays, ce chef de fil de la nouvelle vague iranienne arrive tout de même à filmer dans le plus grand secret, voire dans la clandestinité, et a être quand même représenté dans différents festivals de cinéma internationaux où il glane coup sur coup prix et récompenses (Caméra d’Or pour Le ballon blanc ; Prix du Jury d’Un certain Regard pour Sang et or ; Lion d’Or pour Le cercle ; Ours d’Argent pour Hors jeu ; Prix Sakharov pour Ceci n’est pas un film ; Ours d’Argent du meilleur scénario pour Pardé ; et Ours d’Or pour Taxi Téhéran) .
Cette fois, il dépeint plusieurs conditions de vie dites « champêtre » hors de Téhéran autour d’une poignée de personnages croisés en chemin, nous offrant ainsi des petites leçons d’humanité et une rapide visite d’une région quelque peu « perdue », vivant encore à travers des traditions archaïques et des coutumes ancestrales pour le moins immuables. Autant derrière que devant la caméra, ce cinéaste engagé continue à parler de sa condition d’homme « prisonnier » – il en fait d’ailleurs ici rapidement allusion vers le milieu de ce road-movie campagnard -, jouant sur sa propre actualité comme il l’avait d’ailleurs déjà montré dans Ceci n’est pas un film qui décrivait sa situation actuelle de metteur en scène condamné à ne pas pouvoir travailler. Pour y arriver quand même, il tourne avec une petite caméra numérique et parfois aussi avec un IPhone, proposant des longs plans séquences souvent fixes, à l’apparence improvisée et sans quasiment aucune coupure au montage, comme si les moyens de se procurer de la « pellicule » étaient aussi difficiles et rares que ses éventuelles autorisations à sortir d’Iran !
Quoi qu’il en soit, son scénario très légèrement flippant et plutôt faussement tragique – une fille appelle à l’aide par l’intermédiaire de son téléphone portable, filmant en vidéo son « suicide » (alors, canular ou bien vrai passage à l’acte ?) pour mieux faire réagir ses interlocuteurs auxquels est destiné ce message via les réseaux sociaux genre Instagram, en l’occurrence ici les sollicités sont Jafar Panahi et Behnaz Jafari, célèbre actrice iranienne à la filmographie conséquente (plus d’une quarantaine de films en 20 ans !) qui, assez inquiets tous les 2, prennent la route pour mener leur propre enquête dans un petit village reculé – prouve bien que l’on peut réaliser en catimini, pardon, en proscrit des productions avec peu de moyens, à la fois techniques et narratifs d’ailleurs, sans que cela puisse véritablement nuire à son auteur (les changements de mentalité en Iran changeraient-ils enfin ?), d’autant plus que ça peut lui rapporter gros, entre autres les faveurs d’un jury, des distinctions aussi diverses que variées, et une reconnaissance établie durablement à l’étranger...

C.LB