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Mon tissu préféré

Sortie  le  18/07/2018  

De Gaya Jiji avec Manal Issa, Ula Tabari, Mariah Tamoury, Saad Lostan, Souraya Baghdadi, Metin Akdülger et Wissam Fares


Damas, mars 2011. Nahla est une jeune femme célibataire qui mène une vie morne dans une banlieue syrienne, aux côtés de sa mère et ses deux sœurs. Le jour où on lui présente Samir, un expatrié Syrien en provenance des États-Unis à la recherche d’une épouse, elle rêve d’une vie meilleure. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Contre toute attente, il décide de se marier à sa cadette, Myriam. Dès lors, Nahla se rapproche de Mme Jiji, une voisine récemment installée dans l’immeuble qui dirige une maison-close deux étages plus haut. Alors que les tensions s’intensifient dans le pays et que la famille est occupée à l’organisation du mariage de sa sœur, Nahla va explorer le monde de Mme Jiji. Un lieu rempli de fantasmes où elle sera confrontée à ses propres peurs et désirs.

Quelle douceur ambiante, quelle délicatesse dans les visages comme dans les propos, quelle sensibilité à fleur de peau, quelle sensualité développée aussi, et puis quelle tension sous-jacente et quelle grâce dans tous les faits et gestes ? Doucement mais sûrement voire même nonchalamment, ce film avance à un rythme plutôt posé, limite assez lent, en total contraste d’ailleurs avec ce que vit la Syrie à cette époque-là, alors que les premiers troubles et autres tensions se manifestent dans les rues, sur fond d’images vidéo façon infos présentées ici et là. La radio diffuse ce qui se passe véritablement dehors puisque la quasi-totalité de cette production se déroule dans 2 appartements distincts, à l’intérieur d’un immeuble où tout semble être resté quelque peu figé comme si ces occupants voulaient éviter à tout prix d’être confrontés de plein fouet à la réalité, notamment aux affrontements qui sévissent à l’extérieur.
Si la guerre civile prochaine, pour ne pas dire inévitable, va bientôt sonner à leur porte, cela n’empêche en rien notre jeune héroïne – interprétée par la belle franco-libanaise Manal Issa à la moue boudeuse, vue notamment dans Peur de rien et Nocturama - de s’évader comme elle le peut de son univers plutôt ennuyeux, autant familial (composé uniquement de femmes) que professionnel (elle travaille dans un magasin de vêtements). Très curieuse, elle décide d’aller espionner sa nouvelle voisine du dessus – jouée par l’israélienne Ula Tabari, aperçue entre autres dans Munich, Héritage, et La belle promise -, mère maquerelle qui tient une sorte de bordel chez elle, femme mûre avec une part d’ombre mais le port altier et la force de caractère qui va avec. Leur drôle d’amitié va faire naître bien des rapports de force comme un certain nombre de controverses entre elles, chacune défendant son territoire et surtout ses envies.
Dans ce 1er long métrage, la réalisatrice Gaya Jiji d’origine syrienne nous dépend la vie en communauté au sein d’une famille certes libre mais presque mutique au tout début de la vague du Printemps arabe, à grands renforts de plans subliminaux (les rêves inavoués de Nahla) et de regards appuyés (face aux envies d’une fille pas encore femme qui cherche à s’affirmer ou du moins à s’émanciper d’un certain carcan ambiant). Elle joue à fond la carte de la contradiction à travers cette jouvencelle « féministe » de 20 ans qui hésite entre moralité bienveillante, sentiments exacerbés et sexualité débridée. Bref, une bonne surprise (présent en sélection à Un Certain Regard au dernier festival de Cannes) qui tranche sacrément avec les traditionnels films venus du Moyen-Orient....

C.LB



 
 
 
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