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Blackkklansman – j’ai infiltré le Ku Klux Klan

Sortie  le  22/08/2018  

De Spike Lee avec John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier, Topher Grace, muMs da Schemer, Michael Buscemi et Ryan Eggold


Au début des années 70, au plus fort de la lutte pour les droits civiques, plusieurs émeutes raciales éclatent dans les grandes villes des États-Unis. Ron Stallworth devient le premier officier Noir américain du Colorado Springs Police Department, mais son arrivée est accueillie avec scepticisme, voire avec une franche hostilité, par les agents les moins gradés du commissariat. Prenant son courage à deux mains, Stallworth va tenter de faire bouger les lignes et, peut-être, de laisser une trace dans l'histoire. Il se fixe alors une mission des plus périlleuses : infiltrer le Ku Klux Klan pour en dénoncer les exactions.
En se faisant passer pour un extrémiste, Stallworth contacte le groupuscule : il ne tarde pas à se voir convier d'en intégrer la garde rapprochée. Il entretient même un rapport privilégié avec le "Grand Wizard" du Klan, David Duke, enchanté par l'engagement de Ron en faveur d'une Amérique blanche. Tandis que l'enquête progresse et devient de plus en plus complexe, Flip Zimmerman, collègue de Stallworth, se fait passer pour Ron lors des rendez-vous avec les membres du groupe suprémaciste et apprend ainsi qu'une opération meurtrière se prépare. Ensemble, Stallworth et Zimmerman font équipe pour neutraliser le Klan dont le véritable objectif est d'aseptiser son discours ultra-violent pour séduire ainsi le plus grand nombre.


Le réalisateur – et cinéaste militant - Spike Lee ressasse son cheval de bataille pour la énième fois, encore tout à la gloire des afro-américains, en tant que combattant « social » particulièrement engagé contre les problèmes raciaux, ségrégation, discrimination et racisme omniprésents, surtout ceux qui sévissent souvent aux Etats-Unis ! Sa déjà longue filmographie en est une preuve irréfutable (notamment à travers She’s gotta have it – alias Nora Darling n’en fait qu’à sa tête -, Mo’better blues, et Malcolm X) et aborde parfois des sujets tirés d’histoires vraies. Ici, il adapte le livre autobiographique de Ron Stallworth, « Black Klansman, race, hate and the undercover investigation of a lifetime », autour de l’infiltration de ce dernier au sein des plus hautes instances de l’Empire Invisible, le fameux Ku Klux Klan, organisation soi-disant non-violente mais néanmoins douteuse à (juste et) plus d’un titre.
Comme à son habitude, il n’a pas pu s’empêcher de placer ici et là des séquences et des discours fictifs mais fort explicites (entre autres, des extraits d’Autant en emporte le vent et du film muet The birth of a Nation, plus une apologie verbale à la haine contre cette « épidémie d’intégration et de dégénérescence » qui envahie et frappe les U.S.A. depuis des siècles), ainsi que des images d’archives plus ou moins récentes – Donald Trump à l’appui (surtout celles d’actualité au générique de fin) traitant de ce qui le turlupine depuis si voire trop longtemps, les questions identitaires et aussi le désir de fournir des droits plus étendus aux « Noirs ». De ce fait, dans ce film, son protagoniste principal ne pouvait en aucun cas faire autrement que de vouloir faire bouger réellement les choses – et cela dans le bon sens - au sein d’une institution publique à majorité hiérarchique blanche, bien sûr peu encline à accepter un quelconque changement de mentalité. A lui donc et seul, tout jeune « bleu » qu’il est à peine débarqué dans un bureau de police, de gérer au mieux une certaine pression ambiante (à grands renforts de termes fort peu élogieux et encore moins respectueux à son égard !), soutenue ou plutôt aidée par son chef supérieur et quelques rares collègues.
Loin du pamphlet brûlant traditionnel auquel on pouvait s’attendre et qu’un tel sujet aurait pu prétendre être ou, du moins, afficher, ce biopic « policier » ne fait que raconter son parcours plus ou moins tumultueux mais néanmoins formateur, des archives aux renseignements en passant par les stups, marqué par une enquête on ne peut plus délicate (un officier noir parti en croisade qui, se parjurant à qui mieux-mieux avec l’aide d’un confrère blanc et de surcroît juif, fait croire qu’il est un raciste au plus haut point et prêt à intégrer le KKK), le tout sur fond de propos d’un agitateur révolutionnaires d’avant-garde pro-Black Panther (scandant à tout va des « Black power » et des « Les pleins pouvoirs au peuple »), d’une rencontre sentimentale avec une fille au look à la Angela Davis très prononcé, d’une BO adéquate autant soul que R&B, et d’une caricature éhontée d’une « confrérie » blanche dirigée par des bouseux crétins, incultes et prétentieux agissant pour de mauvaises raisons, qui tentent, telle une grande et belle famille unie prête à enfreindre leurs règles, de se serrer les coudes tant bien que mal en utilisant la stratégie de la peur et en vociférant que « la guerre est déclarée » contre tout ce qui ne serait pas de la même couleur qu’eux.
Si la représentation est plutôt assez classique dans sa forme mais fort explicite dans son fond, bien qu’extrême parfois et prévisible à plus d’une occasion, il faut reconnaître que Spike Lee a l’art et la manière de raconter les faits avec cette « légèreté » scénaristique et cette « facilité » narrative qui frisent parfois la naïveté appuyée, le trait accentué (le « black » toujours beau, cool et réfléchi pour le bien de tou-te-s alors que le « white » est laid, demeuré et lourd), le raccourci évident et le manque de recul (certains passages ne fonctionnent pas ou bien alors semblent pas assez nuancés, trop soulignés pour être crédibles). Quoi qu’il en soit, cela n’a pas empêché le jury du dernier festival de Cannes de lui remettre le Grand Prix, un moyen comme un autre de calmer un peu ses ardeurs à dénoncer le racisme sous toutes ses formes et à défendre l’opprimé minoritaire coûte que coûte, tout en dépeignant une société gangrénée par des lobbies on ne peut plus sectaires...

C.LB



 
 
 
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