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Désigné coupable (Ciné + Premier)

Sortie  le  21/04/2024  

De Kevin Macdonald avec Jodie Foster, Tahar Rahim, Shailene Woodley, Benedict Cumberbatch, Zachary Levi, Saamer Usmani et Langley Kirkwood (les 21, 26, 27 et 29/04)


L'histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi, un Mauritanien que son pays a livré aux Etats-Unis alors en pleine paranoïa terroriste à la suite des attentats du 11 septembre 2001. L'homme a passé des années en prison sans inculpation ni jugement. Il a retrouvé la liberté en octobre 2016.

Vous croyez que vous allez encore assister à un de ces scénarios judiciaires qui raconte l’énième inculpation d’un homme innocent, accusé à tort et injustement détenu pour « meurtre(s) » alors qu’il n’a rien fait, défendu bec et ongles par un avocat qui a foi en lui et, d’une certaine manière, vous n’aurez pas tout à fait tort. Sauf que cette fois, le suspect emprisonné – qui existe réellement (il a d’ailleurs écrit ses mémoires dans un livre intitulé Les Carnets de Guantánamo dont est adapté ce film) - va devenir le témoin, notamment d’une détention illégitime dans des conditions très particulières pour ne pas dire effroyables voire même inhumaines, dues au contexte environnant de l’époque décrite ici. D’abord, on passe de simples interrogatoires plutôt assez classiques dans leur forme, avant que ce prévenu subisse un certain nombre d’agissements sous la contrainte, mêlés de peur, de terreur et de violence à son encontre afin de le contrôler (humiliations, maltraitances, privations, tortures, perturbations émotionnelles…), jusqu’à sa résilience ainsi que sa coopération « pleine en entière » sans aucune preuve, et sa soumission totale pour lui extorquer des aveux écrits autour de soi-disant « faits avérés » qu’il aurait commis.
Cet homme bafoué, qui selon la plupart des américains en colère mérite la peine capitale (« quelqu’un doit payer, - pas n’importe qui non plus ! »), c’est Tahar Rahim qui l’interprète à la perfection, toujours juste comme s’il était habité par son personnage de bouc émissaire parfait tendance « martyr », lointain cousin de Ben Laden, enfermé pendant presque 15 ans dans la tristement célèbre base militaire de Guantànamo. Un rôle fort qui ne change pas beaucoup de ses précédentes prestations, que ce soit à travers celle de sa vie en prison (Le prophète – son premier succès - qui nous l’avait fait découvrir à l’écran) ou, dernièrement, celle dans la mini-série The Looming Tower, qui racontait comment la rivalité entre la CIA et le FBI a involontairement ouvert la voie à la tragédie du 11 septembre. Face à lui, Jodie Foster joue une avocate pugnace et sans faille, militante des droits de l’homme, habilitée à corroborer les infos classés secret-défense concernant le témoignage de son client et, enfin, à défendre la Constitution américaine coûte que coûte qui est épinglé dans son traitement et sa gérance de situations « humaines » délicates en période de crise qui, au passage, en prend pour son grade. Bref, 2 prestigieux acteurs face à une prise de conscience « dans un pays qui enferme des gens sans procès ».
Voilà sans aucun doute l’un des longs métrages « coup de poing » de l’année 2021 qui aurait du, au moins à coup sûr, glaner plusieurs grandes distinctions lors des différentes remises de prix organisées ici et là (Bafta Awards, Berlinale, Oscars). Nominé un peu partout, il n’a pourtant reçu qu’un Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle pour Jodie Foster, toujours épatante. Qu’importe, le sujet est assez dramatique comme cela, aussi terrifiant que poignant, pour remporter tous les suffrages auprès d’un large public. Et le réalisateur, l’écossais Kevin Macdonald (Le dernier roi d’Ecosse ; Jeux de pouvoir ; L’aigle de la 9ème légion ; Black sea), de devenir l’un des incontournables metteurs en scène du moment - à plus ou moins gros budget -, lui qui, adepte des changements de focales, vient plutôt du documentaire que de la fiction. En résumé, un gage de réussite maîtrisé haut la main, et une peinture sans fard des dérives, déviances et autres excès particulièrement révoltants autour des droits fondamentaux des prisonniers ignorés (a présomption d'innocence semble inexistante), engendrés ou du moins infligés par l’armée U.S. que l’on ose surnommer « la plus morale du monde »…

C.LB



 
 
 
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