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Le milieu de l’horizon

Sortie  le  20/10/2021  

De Delphine Lehericey avec Luc Bruchez, Laetitia Casta, Clémence Poésy, Patrick Descamps, Thibaut Evrard, Fred Hotier et Lisa Harder


La sécheresse de 1976. Sous le soleil implacable de cet été, Gus quitte l’enfance. La nature se désagrège, les sentiments s’exacerbent, le noyau familial éclate : tout craque et se fissure jusqu’à ce que l’impensable arrive. Les orages tant espérés balaieront une campagne épuisée et emporteront un monde avec eux.

Cette adaptation cinématographique du livre éponyme à succès de Roland Buti, sorti en 2013, était forcément et d’une certaine manière très attendue au « tournant », d’autant que son roman, aussi fort que poétique et aussi puissant que sensuel, se devait d’être au moins porté par cette même intensité et cette même ampleur. On peut dire sans hésiter que la réalisatrice suisse Delphine Lehericey (Pupplylove - 2013) a réussi son pari, celui de restituer parfaitement ce passage difficile des prémices de l’enfance au début de l’âge adulte – et aussi celui de l’éveil aux premiers émois -, à travers les yeux d’un garçon de 13 ans qui voit son univers familier et rassurant déraper petit à petit pour finir par partir totalement en vrille, le tout dans une atmosphère rurale pesante et étouffante (la lumière ici est légèrement saturée pour donner ce côté chaud, écrasant, brûlant, bref, caniculaire).
Ne pensez surtout pas voir une énième version des problèmes et autres difficultés économiques rencontrés dans le milieu rural et plus particulièrement au sein d’un monde spécifiquement fermier, déjà maintes fois portée à l’écran (dernièrement Petit paysan et Au nom de la terre) : ce drame agricole va bien au-delà de la simple peinture de la dure réalité de cette existence pour porter plus précisément son regard sur les recherches de repères d’un enfant quelque peu déboussolé, ainsi que sur les tensions qui y règnent et la violence qui s’y installe inexorablement, prévisible vues les conditions climatiques subites et les éléments qui se déchaînent en s’abattant sur eux.
Entre les parents, leurs 2 enfants et un cousin – un neuneu, sorte de crétin des pâturages - venu aider dans l’exploitation, chacun(e) donne de sa voix comme de ses poings ou de ses pieds, à travers des énervements répétés, des coups de gueule exacerbés et des gestes portés qui en disent long sur les dissensions, les frictions et les irritations ambiantes. Si Laetitia Casta ne fait pas trop paysanne, en mère à la fois bienveillante et touchante avec ses mains ultra-manucurées, le valaisan Luc Bruchez, qui joue son fils, en impose autrement avec son visage particulièrement expressif et son regard écarquillé, sur lesquels se lisent toutes les interrogations et les incompréhensions d’un témoin dans cet univers « impitoyable ». Quant à Thibaut Evrard (Le transporteur héritage ; la série Double vie ; Balle perdue ; Paris police 1900), le père, c’est une force de la nature à l’état brut (dans tous les sens du terme).
En résumé, une histoire d’apprentissage à la fois simple, tendre, sensible et poignante, pleine d’émotions, presque aboutie si le côté narration minimaliste et nonchalant ne prenait pas (trop) le pas sur le reste…

C.LB



 
 
 
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