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Notturno

Sortie  le  22/09/2021  

De Gianfranco Rosi avec des anonymes


De combien de douleurs, de combien de vies se compose l’existence au Moyen-Orient ?
"Notturno" a été tourné au cours des trois dernières années le long des frontières de l’Irak, du Kurdistan, de la Syrie et du Liban ; tout autour, des signes de violence et de destruction, et au premier plan, l’humanité qui se réveille chaque jour d’une nuit qui parait infinie.
Gianfranco Rosi l’illumine de rencontres et d’images de la vie quotidienne, et confère au récit une unité qui transcende les divisions géographiques.
Un film de lumière fait de la matière sombre de l’Histoire.


Loin d’être un film traditionnel à proprement parlé, c’est un documentaire auquel nous convie le réalisateur italien Gianfranco Rosi (Afterwords ; Below sea level ; El sicario – room 164 ; Sacro gra ; Fuocoammare), à travers une suite de scènes très soignées, de cadrages fort léchés, de beaux plans tour à tour fixes et légèrement pivotants, le tout sur fond de paysages rocailleux semi-arides plus ou moins tourmentés voire menaçantes, pour certains ravagés par une guerre encore et toujours (omni)présente mais pas du tout montrée à l’écran.
On dirait presque un album de photos mais cette fois fait uniquement à partir d’images animées, où les différents intervenants, pour la plupart des civils, seraient « invités à poser et vivre » devant l’objectif de sa caméra. Que ce soit une femme qui se lamente et pleure la perte de son fils torturé, des soldats à l’entrainement ou en manœuvre, un jeune garçon qui essaye de faire vivre tant bien que mal sa famille nombreuse ou des enfants qui racontent les atrocités infligés aux siens, notamment à travers leurs dessins particulièrement éloquents, on « feuillette » ces moments, ces regains de vie volés dans le peu qui leur reste d’intimité.
Pas de pathos, rien de tragique ni de malsain et encore moins de spectaculaire ici, tout juste dramatique, limite choquant sans être trop traumatisant, lorsque ces petits réfugiés « miraculés », sauvés in extrémis des mains de Daesh, font une description en détail des exactions subites, commises par un régime féodal barbare, à l’encontre de leur famille et de leur peuple (les Yazidis). Quoi qu’il en soit, séquelles (psychologiques) ou non, la vie reprend son cours normal malgré tout ! Pas un seul texte et pas beaucoup de paroles échangées non plus, seulement celles avec une maîtresse d’école à laquelle ils expliquent ce qu’ils ont vu. Ce procédé, qui consiste à observer en tournant de façon posée et sans aucun commentaire, presque en silence (excepté quelques tirs au loin, souvent dans la « notturno »), permet aux images de parler d’elles-mêmes, de raconter la vérité sans avoir besoin d’émettre une seule parole pour cela.
Un constat émotionnel bien réel et parfois brut de forme, d’une humanité certes digne mais sacrifiée, en attente d’espoir ainsi qu’en survivance, qui est malheureusement toujours d’actualité dans ces contrées lointaines : il suffit de voir ce qui se passe dernièrement en Afghanistan…

C.LB



 
 
 
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