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La dérive des continents (au Sud)

Sortie  le  24/08/2022  

De Lionel Baier avec Isabelle Carré, Théodore Pellerin, Ursina Lardi, Ivan Georgiev, Adama Diop, Nicolas Roussiau et Elisabeth Owona


Nathalie Adler est en mission pour l’Union Européenne en Sicile. Elle est notamment chargée d’organiser la prochaine visite de Macron et Merkel dans un camp de migrants. Présence à haute valeur symbolique, afin de montrer que tout est sous contrôle. Mais qui a encore envie de croire en cette famille européenne au bord de la crise de nerfs ? Sans doute pas Albert, le fils de Nathalie, militant engagé auprès d’une ONG, qui débarque sans prévenir alors qu'il a coupé les ponts avec elle depuis des années. Leurs retrouvailles vont être plus détonantes que ce voyage diplomatique…

Est-ce un film d’actualité autour de la mauvaise gestion de la crise migratoire, sous le couvert d’un drame plus ou moins latent à travers la situation qui règne dans un camp de réfugiés géré tant bien que mal par la Commission européenne, ou alors tout simplement une comédie désinvolte, voire caricaturale, un brin surréaliste, entre une mère et son fils aux caractères comme aux convictions diamétralement opposés ? C’est sûr qu’il y a un peu des 2 ici mais il est certain que l’on ne sait pas trop sur quel pied danser face à ce scénario qui aborde plusieurs sujets, directions et autres thématiques à la fois, un genre cinématographique auquel nous ne sommes pas trop habitué chez nous. Cette façon de faire revient au réalisateur suisse Lionel Baier (Garçon stupide ; Un autre homme ; La vanité) qui a l’art et la manière de raconter des histoires avec légèreté, tendresse, énergie, absurdité même et un anticonformiste affiché.
D’un côté, il nous parle d’un lieu qui sert d’accueil pour des migrants (à Catane, sur l’île de Sicile) ; de l’autre, il nous place face à une mère esseulée, officier de l’Union Européenne qui se cherche un peu - et cela dans tous les sens du terme - (interprétée par l’excellente – et sensuelle - Isabelle Carré), et son fils aussi rebelle que libre, prêt à tout pour se faire remarquer (joué par le formidable québécois Théodore Pellerin, vu entre autres dans Les démons, Chien de garde, Juste la fin du monde, et Never, rarely, sometimes, always). Et au milieu, il nous balade à travers des errances nocturnes, des incompréhensions humaines (à noter la présence de Nicolas Roussiau – les séries Balthazar et Nina -, parfait en jeune attaché parlementaire qui veut tout mettre en scène à sa manière), des retrouvailles « intimes », et des protagonistes d’origines comme de langues différentes (notamment la suissesse Ursina Lardi, aperçue dans Le ruban blanc, Lore, Un homme très recherché, et Les amitiés invisibles, l’un des révélations du film).
Certes, il y a de quoi en déstabiliser plus d’un (spectateur) mais c’est ce qui fait tout le charme de cette production iconoclaste, où chacun(e) semble beaucoup s’amuser à casser les codes traditionnels existants, comme si tout ce petit monde était parti en goguette, à la recherche d’un bonheur et/ou d’une plénitude somme toute pas si difficile que cela à atteindre. On sourit devant la satire non-déguisée des institutions politiques en place (le maquillage éhonté d’une réalité pourtant tangible afin de la rendre plus conforme aux yeux des dirigeants et des médias), et on rit devant la tournure comme le ton que prennent certaines situations aussi bien morales que sociales, finissant dans une ambiance douce-amère, tour à tour réjouissante et revigorante, qui n’aurait sans doute pas déplu à quelques cinéastes trublions d’origine helvétique (on pense à Alain Tanner et à Claude Goretta par exemple).

C.LB



 
 
 
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