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Mal viver

Sortie  le  11/10/2023  

De Joào Canijo avec Anabela Moreira, Rita Blanco, Madalena Almeida, Cléia Almeida, Vera Barreto et Nuno Lopes


Dans un hôtel de la côte nord du Portugal, vivent plusieurs générations de femmes d’une même famille. Leurs relations se sont détériorées par amertume et elles essaient de survivre dans l'hôtel en déclin. L’arrivée inattendue de Salomé, la plus jeune suite au décès de son père, sème le trouble, réveillant des rancunes et des ressentiments accumulés.

Si la traduction en français du titre de ce film portugais, Mal de vivre, peut dès le début nous aider à y voir un peu plus clair sur ce que l’on va découvrir à l’écran, c’est qu’il s’agit d’un drame familial latent on ne peut plus étouffant et statique, un huis clos à la Luis Buñuel sur plus de 2 heures entre piscine, salon, couloirs, escalier, chambres à coucher et salle à manger d’un hôtel, où 5 femmes passent leur temps à se remémorer leurs bons comme leurs mauvais souvenirs, à se faire des remontrances ou des réprimandes les unes vis à vis les autres, à s’envoyer des pics, à se morfondre sur leur sort, à se plaindre autour de pas mal de futilité, à s’apitoyer aussi et même à pleurer.
C’est que la plupart d’entre elles sont quelque peu anxieuses (angoisse existentielle !), tourmentées, névrosées, voire folles, sans oublier une bipolaire, un vrai boulet qui gémit pour un rien (interprétée par l’excellente Anabela Moreira en dépressive patentée). Bref, ce n’est pas le mur mais bel et bien l’hôtel des « lamentations » exclusivement féminines ici (il n’y a qu’un homme dans le casting) ! Les comportements comme les attitudes et les visages sont durs, crispés, stoïques, figés, fermés pour certains et cela ne vas pas aller en s’arrangeant loin de là, d’autant que ses tenancières commencent à contaminer les rares clients qui séjournent dans leur établissement. Grand « dios », que leur chair est triste ! Et puis, elles nous réservent les mêmes questions, les mêmes complaintes, les mêmes interrogations et autres problèmes tout au long de cette errance mentale à la finalité attendue pour ne pas dire évidente.
On voit bien que le réalisateur Joào Canijo (Nuit noire ; 11 fois Fatima ; Sangue do meu sangue) a été l’assistant de grands metteurs en scène de cinéma tels que Manoël de Oliveira, Win Wenders, Alain Tanner ou bien encore Werner Schroeder, s’escrimant à filmer, en longs plans séquences souvent éloignés, des personnages toujours posés et en second plan, le tout dans une suite de saynètes qui alternent entre silence, retenue et non-dits (peu de dialogues), nous faisant irrémédiablement penser à la manière de filmer de Oliveira. Côté musique, pas de BO originale à proprement dit, juste quelques extraits de musique classique. En résumé, une curiosité bien imbriquée made in Portugal, à l’ambiance psychologique bien étrange, intrigante et un tantinet opaque, qui a reçu le prix du jury à la dernière Biennale.

*Parallèlement, le réalisateur a mis en scène un autre film plus vivant, plus bavard et plus accessible dit miroir, Viver mal, une sorte de diptyque qui sort en même temps que le précédent (le 11/10), tourné dans le même lieu (on ne sort pas de l’enceinte du domaine hôtelier) et au même moment, mais avec un autre casting (Leonor Silveira, Filipa Areosa, Rafael Morais, Lia Carvalho et Beatriz Batarda), et dans lequel l'accent est mis sur les évènements précédemment présentés (c’est-à-dire dans Mal viver), vus cette fois à travers les yeux d’un groupe d’estivants en proie à un certain nombre de tensions, venant à l'hôtel le temps d’un week-end (notamment un couple en plein malentendu, une mère dominatrice, 2 filles qui tentent de sauver leur histoire d’amour) pour « laver leur linge sale », s’envoyer les pires vacheries à la figure et jouer à un véritable « jeu de massacre ».
Dans une de ses déclarations, le réalisateur a annoncé que pour le scénario découpé en 3 chapitres, sur les apparences des clients de l'hôtel, il s'était inspiré de motifs de pièces de théâtre d'August Strindberg. Viver mal a également été sélectionné au 73e Festival international du film de Berlin dans la section « Encounter » mais sans rien remporter.

C.LB



 
 
 
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