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De battre mon cœur s’est arrêté (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  05/08/2023  

De Jacques Audiard avec Romain Duris, Niels Arestrup, Linh-Dan Pham, Aure Atika, Emmanuelle Devos, Jonathan Zaccaï et Gilles Cohen


A 28 ans, Tom semble marcher sur les traces de son père dans l’immobilier véreux. Mais une rencontre fortuite le pousse à croire qu’il pourrait être le pianiste concertiste de talent qu’il rêvait de devenir, à l’image de sa mère. Sans cesser ses activités, il tente de préparer une audition.

On était dans l’attente de la nouvelle réalisation de Jacques Audiard (Un héros très discret, Regarde les hommes tomber) depuis 2001, après le fameux Sur mes lèvres qui avait remporté un grand succès public et quelques Césars en prime. On l’espérait ici avec un scénario original de sa composition, vu le titre poétiquement très évocateur (emprunté à la chanson La fille du père Noël de Jacques Dutronc), et le voilà qui nous sort tout simplement un remake, celui de Fingers, un thriller indépendant américain porté à l’écran en 1978.
Au lieu de se lancer dans une œuvre personnelle dont il a le secret, il nous fait sa version à lui d’un polar pur et dur adaptée à la sauce française, donc moins rugueux et brut de forme. L’un des problèmes, c’est que l’acteur de l’époque, Harvey Keitel, avait un peu plus de présence à l’écran, de charisme dans la voix et de folie dans le regard, que Romain Duris, certes plus jeune mais moins expérimenté que son prédécesseur. Néanmoins, il porte tant bien que mal ce film à bout de bras avec la rogne d’un berger allemand et la rage d’un doberman. Il joue encore une fois le genre petite frappe, le gangster parisien au rictus moqueur de circonstance et à la verve plutôt agressive, comme un évadé de prison à qui on aurait manqué de respect. En définitif, il s’en sort plutôt bien, même si on a du mal à l’imaginer au final en pianiste virtuose.
Qu’importe, Jacques Audiard essaye de nous tenir en haleine pendant 1h47 avec un sujet qui aurait pu tenir la route avec 20 minutes de moins. En effet, au lieu d’avoir une approche narrative bien construite qui se tient d’un bout à l’autre du film, il nous gratifie plutôt d’une suite de petites saynètes désordonnées, avec une multitude de plans séquences, sur la vie mouvementée et les activités douteuses d’un agent immobilier véreux, le tout dans un laps de temps bien déterminé, quelques semaines seulement. Entre ses activités professionnelles sordides et peu reluisantes, et sa soudaine passion pour le piano et son envie de réussir, on trouve l’histoire un peu dur à avaler, surtout de la part de ce jeune bandit parisien qui veut réformer son existence en devenant pianiste concertiste à coup de bagou, grande gueule et poings serrés !
A partir de là, nous avons le droit au coût de ses actes, c’est-à-dire à ses embrouilles avec ses associés pas vraiment recommandables et à la limite de la légalité, ses sautes d’humeur avec sa répétitrice chinoise qui, la pauvre, ne parle pas un mot de français, ses rendez-vous foireux avec son père complètement largué (« out of order ») et ses agissements qui finissent en expéditions punitives assez violentes pour déloger des squatters indésirables ou des mauvais payeurs. On le voit se débattre comme un beau diable avec tout le monde et avec son emploi du temps, mais rien n’y fait et quoi qu’il fasse, il garde constamment du sang sur ses belles mains qui s’escriment à jouer au clavier des toccatas de Bach. On veut nous faire croire à une certaine forme de réalisme dans cette histoire plus que contestable, hors cela tient plus de l’invraisemblance qu’à autre chose. A la question, peut-on être marchand de biens et pianiste concertiste, que répondre à ce paradoxe qui se veut à tout prix réaliste ? De plus, l’intervention de quelques personnages de passage alourdissent considérablement l’ambiance, n’apportant rien de bien défini ni de vraiment indispensable au film, comme la présence d’Emmanuelle Devos en petite amie furtive de son père, et Aure Atika en femme de l’un de ses associés qu’il désire pleinement.
On a la nette impression que l’histoire ne devait pas durer aussi longtemps et que Jacques Audiard l’a rallongée exprès pour y placer quelques gueules d’acteurs qu’il apprécie bien. Bref, à force de montrer son personnage principal se trainer ici et là entre magouilles, entourloupes et répétitions, il casse le rythme et surtout l’émotion. Désolé mais tout cela ne fait pas un très bon film, même de série noire, pas capable de tenir la route sur la durée. C’est tout juste une modeste production, suffisamment honnête pour qu’on lui donne encore une seconde chance la prochaine fois !

C.LB



 
 
 
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