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Le vol du Phoenix (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  05/10/2021  

De John Moore avec Dennis Quaid, Giovanni Ribisi, Tyrese Gibson, Miranda Otto et Hugh Laurie (sur Ciné + Emotion les 05, 06 et 13/10)


Le pilote Frank Towns est un homme cynique et blasé qui enchaîne sans sourciller les missions pourries. Cette fois, il s’agit d’évacuer d’urgence un forage improductif au fin fond de la Mongolie et de ramener à Pékin le personnel et l’équipement. A bord de l’avion cargo C-119, l’ambiance est à couper au couteau. Aucun des manœuvres n’avait été prévenu de son licenciement, et chacun de s’interroger sur son avenir. A mi-chemin, une tempête de sable se lève soudainement. Frank continue à naviguer au jugé sans parvenir à relever le bimoteur surchargé. Le souffle, inexorablement, fait son œuvre, arrachant l’antenne puis l’une des hélices. Le moteur de bâbord prend feu, le C-119 plonge et s’écrase dans le désert de Gobi. L’avion coupé en 2 n’est plus qu’une épave avec une radio hors d’usage, une balise inopérante, des réserves d’eau et de nourriture sévèrement limitées. Ayant dévié de sa route, il n’y a virtuellement aucune chance d’être repéré au milieu des hautes dunes. Les 12 survivants ne doivent rien espérer de leur employeur, ils ne peuvent compter que sur leurs propres ressources. Alors que les dissensions se multiplient au sein du groupe, Elliott, un mystérieux outsider qui se dit constructeur aéronautique, propose aux rescapés de fabriquer un avion à partir des restes du C-119. Un plan aussi grandiose qu’improbable, mais qui semble bien être leur unique chance de survie….

Comment réunir « 12 hommes en colère » (pardon, il y a quand même une femme !) ou si vous préférez « 12 salopards » perdus dans un seul et même lieu complètement inhospitalier (sans plante, sans eau ni espoir), et les laisser mijoter assez longtemps pour qu’ils se bougent leurs carcasses, histoire de trouver un moyen et une solution de s’en sortir sain et sauf ? C’est exactement le genre de trame que nous avons là, qui est d’ailleurs un remake du film du même nom de Robert Aldrich, réalisé en 1965, et qui racontait les déboires d’un petit groupe d’individus échoué cette fois au milieu du Sahara. Bref, un classique du genre aventure dramatique, voire catastrophique, mais transposé de nos jours, même si l’avion utilisé semble aussi vieux que dans la première version.
A l’époque, c’était James Stewart qui endossait le rôle du pilote coupable et loser dans cette épopée à la fois humaine et psychologique. Aujourd’hui, c’est Dennis Quaid qui joue un commandant désabusé, irascible et incompétent, type petit fonctionnaire du ciel à la solde d’une compagnie, qui tente d’éviter tant bien que mal que les autres s’étripent pour la moindre broutille ou saute d’humeur. Il est vrai que les pauvres gars sont à dure épreuve et à fleur de peau puisqu’ils viennent d’être virés d’une manière abusive et sans aucune somation, plus un crash en bon et dû forme et sans prévention ! Il n’y a pas de quoi être heureux, d’autant plus qu’ils vont apprendre à leur dépend que leur employeur se moque éperdument de leur destinée, qu’ils n’ont plus beaucoup d’eau et de vivres, et qu’ils vont devoir compter sur eux-mêmes, ou plutôt, sur le bon vouloir de chacun, pour espérer rester en vie. Et là, on a le droit au florilège de service dans un panache formaté de personnages plus stéréotypés les uns que les autres et par-dessus tout, rasés de près malgré la débâcle et le manque d’eau : le grand gaillard black et borgne de surcroît (Tyrese Gibson aperçu dans 2 fast 2 furious et également chanteur), forte-tête qui veut enchaîner plusieurs marathons de suite à travers le désert pour aller chercher de l’aide ; le saoudien (Kevork Malikyan) familier du désert de Gobi et de ses dangers, sa circonférence au mètre près, sa température intense, ses petits aléas du moment et le peu de chance qu’il y a à y rester ; l’outsider blond et binoclard (Giovanni Ribisi vu dans Retour à Cold Mountain, Lost in translation, Capitaine Sky et le monde de demain), fluet et pâlichon, qui ne se mêle pas aux autres et qui reste discrètement en retrait dans son coin à étudier le reste de la carlingue en surjouant le petit savant complexé ; le manœuvre de chantier blagueur (Tony Curran) fier à bras, tatoué et musclé, style homme à tout faire qui cherche la bagarre et qui va d’ailleurs la trouver ; le jeune ouvrier du chantier stressé (Jared Padalecki), bourlingueur inexpérimenté et fragile psychologiquement qui veut partir tout seul et sans gourde à la recherche de secours ; la femme chef d’équipe du chantier aux nerfs d’acier (Miranda Otto entrevu dans Le seigneur des anneaux, Love serenade et Hypnotic), belle et toujours fraîche mais un peu tête à claques et légèrement casse-couilles à vouloir régler les problèmes des autres (donc des mecs) sans y parvenir ; l’exécuteur des basses œuvres de la compagnie (Hugh Laurie présent dans Plenty, Peter’s friends, Raison et sentiments, Stuart Little) qui va tenter de ne pas trop mouiller sa chemise tout en essayant de capter avec son portable pour envoyer un SMS ; et enfin le pilote (Dennis Quaid dernièrement dans Traffic, Le jour d’après et En bonne compagnie) qui semble être revenu de tout alors qu’il n’est pas crédible pour un sou, sûr de lui dans pareille situation alors qu’il n’est que l’ombre d’un chef, et débordé par les évènements qui viennent de se présenter alors que c’est lui qui les a créé.
Voilà quelques exemples de bras cassés, paumés et largués au milieu de nulle part, qui forment l’escouade sans doute capable de s’en tirer ! A la question de savoir s’ils vont se bouffer les uns les autres, s’ils vont trouver par miracle un oasis et si un hélicoptère qui passait par-là les sauvera in extremis, nous ne vous répondrons pas. Maintenant, à savoir qui clamsera en premier, les paris sont ouverts ! C’est d’ailleurs là presque l’unique intérêt de cette production à petit budget qui tente vainement de nous tenir en haleine dans ce huis clos étouffant, alors qu’on sait d’avance ce qu’il adviendra de cette brochette de laissés pour contre abandonnés et qui survivre à ses épreuves. Le jeune réalisateur John Moore (En territoire ennemi) n’arrive pas à la cheville de son aîné, multipliant les effets de style et les clichés éhontés, les citations toutes faites, les phrases qui tuent, les explications vaseuses et les valeurs morales de circonstance. Il s’empêtre dans une suite de séquences évidentes comme ces hommes (et femme) qui sont amenés à donner (encore une fois) le meilleur d’eux-mêmes dans les pires circonstances de leurs vies (tombés du ciel dans une étendue de sable).
C’est pour cette raison que l’histoire s’est focalisée sur les réactions psychologiques de ces personnages, confrontés à une situation extrême, alors qu’il aurait mieux valu changer complètement de registre et se concentrer plutôt sur les dangers possibles d’une telle situation humaine avec ses tensions exacerbées et ses caractères complexes, histoire de créer un réel suspense prolongé et une véritable menace persistante. Ajouté là-dessus l’intervention de mercenaires prêts à les rançonner et une cavalerie armée du type méchants touaregs en goguette au moment du décollage final, et vous aurez une idée globale de l’entreprise qui ressemble à un film pop-corn, c’est-à-dire vite consommé et vite digéré. Bref, pas de quoi pavoiser ni mouiller son maillot dans ce désert d’évidences et de certitudes qui manquent cruellement d’originalité et qui ne nous emmènent pas une seconde au 7ème ciel !

C.LB



 
 
 
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