en 
 
 
cinema

 
 

Jarhead, la fin de l'innocence (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  27/04/2023  

De Sam Mendes avec Jake Gyllenhaal, Peter Sarsgaard, Jamie Foxx et Chris Cooper (les 27 et 28/04)


Eté 1990. Anthony Swofford, fils et petit-fils de militaires, vient tout juste de fêter son 20ème anniversaire lorsqu’il est envoyé dans le désert saoudien. La Guerre du Golfe vient d’éclater, son bataillon de Marines est parmi les premiers à se déployer dans cette aride et immense étendue de sable. Pour ces jeunes déracinés, gavés d’images et de phraséologie guerrières, ivres de rock et de bière, commence alors la longue et dérisoire attente d’un ennemi fantôme. La soif, la peur, l’épuisement, l’ennui, les frustrations lancinantes, les tensions extrêmes s’additionnent dans un climat de plus en plus délétère et explosif. Dans cet enfer naîtront pourtant de surprenantes et inaltérables amitiés entre compagnons d’armes liés par le vieux serment des Marines. (voir la BO dans la rubrique Sorties musicales)

Quelle connerie la guerre, d’autant plus si celle-ci est plus politique et économique qu’autre chose ! Vouloir protéger les énormes ressources pétrolières du Koweït que convoitent depuis si longtemps l’Amérique était une raison suffisante pour qu’elle fasse envoyer plus de 500.000 hommes dans un désert inhospitalier, perdu au milieu du Moyen-Orient. C’est d’ailleurs le même schéma qui s’est reproduit en Irak quelques années après. Voilà donc comment commencent l’apprentissage et les pérégrinations d’un jeune soldat à peine sorti de l’adolescence qui s’est enrôlé dans le fascinant corps d’élite américain appelé Marines pour satisfaire à ses besoins vitaux d’homme à venir, c’est-à-dire se frotter à des mecs graveleux à souhait, se faire insulter par ses supérieurs hiérarchiques, se retrouver préposé aux corvées entre autre de chiottes, entreprendre des parcours du combattant sous le feu nourri de mitrailleuses à balles réelles, et de temps à autre se masturber pour satisfaire au plaisir de la chair en manque.
Voilà donc le programme des réjouissances que doivent endurer ses futurs braves et valeureux soldats pendant la première heure et les 30 minutes qui suivent de ce film dit de guerre, avant de passer la dernière ½ heure sur le terrain dans l’attente d’être sous le feu de l’action qui malheureusement n’arrivera pas. Bref, 2h de film sans le moindre combat, sans le plus petit affrontement et sans un seul coup de feu tiré ! C’est vous dire l’ennui qui s’installe, autant du côté des protagonistes prêts à monter au front, que du côté des spectateurs devant l’écran à attendre un éventuel suspense ou un possible rebondissement. Pour ceux qui voudraient voir de la baston et du sang, ils en seront pour leurs frais puisque seuls 2 ou 3 obus viennent perturber la quiétude nonchalante de ces soldats surentraînés, en attente d’une perspective d’assaut qui ne viendra pas, ce conflit si vous en souvenez s’arrêtant au bout de 4 jours.
Donc, pas la moindre éventualité d’assister à une guerre dite traditionnelle puisque celle-ci n’a pas vraiment eu lieu dans les conditions habituelles. Déployer une telle logistique, autant de soldats et de moyens techniques, pour ne pas se rassasier d’un véritable corps à corps, c’est vraiment rageant et surtout pas de bol pour ceux qui rêvaient d’en découdre avec l’ennemi. D’ailleurs, on ne verra pas l’ombre de son visage, toute cette opération n’étant qu’un énorme déploiement pour intimider l’adversaire. On comprend mieux pourquoi ces soldats pètent les plombs, deviennent surexcités et nerveux, se défoulant comme ils peuvent dans la bagarre, la débauche et le mépris, puisque l’effet psychologique voulu est de maintenir la pression, de rester constamment sur le qui-vive, et cela sans pouvoir agir de son propre chef.
C’est sans doute pour toutes ses raisons que le réalisateur Sam Mendes (American beauty, Les sentiers de la perdition) s’est attelé à ce projet certes audacieux et mordant mais un peu casse-gueule dans son approche pro-américaine pour le moins singulière, histoire de nous dépeindre les affres et autres émois de quelques soldats depuis leur incorporation et leur classe jusqu’à leur arrivée sur le devant de la scène conflictuelle et leur séjour dans le désert. Malgré quelques plans créatifs et originaux comme ces portes qui se referment sur son enfance, il ne fait que nous montrer en enfilade et sous forme de saynètes classiques collées les unes aux autres, les différentes épreuves et les nombreux stades par lesquels vont passer ces jeunes recrues avant d’affronter un éventuel danger ou un ennemi potentiel.
On a au final sur pellicule qu’une suite de scènes avec une bande de mecs qui ne font que s’entraîner à tirer sur des cibles fixes, et qui, le reste du temps, s’amusent à parler grossièrement de cul et de bite, à boire pour se soûler la gueule et à rêver de tuer, ce dernier point tant espéré n’arrivant pas à se concrétiser. C’est vous dire l’ampleur du désastre et des dégâts du fameux message qu’on est sensé nous raconter et qui se borne aux frasques d’une équipe de dégénérés machos et violents à peine sortis de la puberté. Elle est belle l’armée américaine actuelle, telle serait le constat qu’on pourrait faire ! Le problème, c’est que Sam Mendes n’est pas Kubrick (Full metal jacket), ni Coppola (Apocalypse now et Platoon), ni Ridley Scott (La chute du Faucon Noir), et qu’il est loin de nous tenir en haleine avec ces quelques passages de caméra sur des hommes peu avenants qui ne pensent qu’à parler de sexe.
On a beau voir leurs entraînements, leurs réprimandes, leurs indisciplines, ainsi que leurs engueulades et leurs beuveries entre eux, on n’est pas touché une seule fois par la perspective et le fond de leur soi-disante pensée, encore faudrait-il qu’ils en aient une ! Le seul constat qu’on puisse faire sur ce film de « non-guerre » plutôt lucide et très subjectif, il est vrai hors des clichés connus, c’est que l’armée n’est plus ce qu’elle était et que les actes de bravoure ne sont plus de mise aujourd’hui puisque le déroulement de la guerre a changé de registre et de catégorie. Le combat à proprement dit n’existant plus, il reste les désillusions, les frustrations et les faux espoirs d’une bande de mâles à la recherche d’eux-mêmes, de leurs marques, en mal de raison d’être, voire d’exister pour certains. Les acteurs n’y sont malheureusement pour rien, bien au contraire car ils apportent un peu de crédibilité à leur rôle et une part de véracité à ce scénario plutôt linéaire, assez répétitif et souvent lancinant, qui ne fait qu’apporter de l’eau au moulin aux anti-militaristes et pacifiques du monde entier.
En un mot, ces « têtes de jarre » le sont vraiment, creuses bien évidemment tout comme une bonne partie du script d’ailleurs, et nous le prouvent amplement dans leurs comportements infantiles avec tous les éléments qui conviennent à ce degré d’intérêt quasi inexistant sur la guerre. Difficile donc après cela d’espérer que cette production fasse l’unanimité auprès du public français, peu enclin à aller voir un film d’action sans castagne ni hémoglobine !

C.LB



 
 
 
                                                      cinema - theatre - musique