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Little Miss Sunshine (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  09/05/2021  

De Jonathan Dayton et Valérie Faris avec Greg Kinnear, Toni Colette, Steve Carell et Paul Dano (sur Ciné + Emotion les 09, 10, 12 et 13/05)


« Un véritable loser, ce n’est pas quelqu’un qui rate, c’est quelqu’un qui a tellement peur d’échouer qu’il ne tente rien ». Cette maxime s’applique tout particulièrement à la famille Hoover. Le père, Richard, coach incorrigiblement optimiste, tente désespérément de vendre son « Parcours vers le succès en 9 étapes », sans grand succès hélas. La mère, Sheryl, à la morale rigoureuse, est constamment mise à l’épreuve par sa famille dont elle tente de dissimuler les travers, en particulier ceux de son frère, spécialiste suicidaire de Proust fraîchement sorti de l’hôpital après avoir été congédié par son amant. Les enfants Hoover ne sont pas non plus dépourvus de rêves improbables : la fille de 7 ans, Olive, binoclarde un peu enrobée, se rêve en reine de beauté, tandis que Dwayne, son agressif de frère, grand lecteur de Nieztche, a fait vœu de silence jusqu’à son entrée à l’Air Force Academy. Pour couronner le tout, le grand-père, hédoniste à la langue bien pendue, vient de se faire virer de la maison de retraite pour avoir sniffé de l’héroïne. Les Hoover ont beau ne pas incarner un modèle de famille équilibrée, quand Olive décroche par chance une invitation à concourir pour le titre très sélectif de Little Miss Sunshine en Californie, toute la famille fait cependant corps derrière elle. Les voilà donc entassés dans leur break Volkswagen rouillé : ils mettent le cap vers l’Ouest et entament un voyage tragi-comique de 3 jours qui les mettra aux prises avec des évènements inattendus, tandis que les débuts d’Olive vont bouleverser cette famille farfelue à un point que personne ne peut soupçonner….

Voilà le style même du film 100% made in U.S.A. dont on ne peut malheureusement pas trop échapper au cinéma durant toute l’année ! Cette fois, c’est un road movie typiquement familial d’un bout à l’autre des Etats-Unis, avec son lot de personnages aussi peu ordinaires que caricaturaux, bien représentatifs d’une certaine catégorie d’américains, et sa pléiade de situations exagérées, plus hétéroclites et loufoques les unes que les autres ! Tous les ingrédients et poncifs sont présents pour faire de ce film une parodie de l’Amérique et de son rêve, non pas profonde mais plutôt middle-class : une famille unie mais faussement parfaite, quasi complète sur 3 générations (sans la grand-mère mais avec un beau-frère en prime), sans véritable style mais avec de gros soucis matériels ; une ballade anodine d’est en ouest pour aller participer à une manifestation quelconque (ici, un concours de miss pour enfants) ; un parcours qui devient éprouvant, truffé de rapports complexes, de péripéties conflictuelles et d’anecdotes tordues en tout genre (à chaque arrêt, un nouveau problème qu’il soit d’ordre familial, physique ou mécanique) ; et un moyen de transport qui se déglingue un peu plus à chaque étape (une vieille camionnette jaune, genre van pour hippies ou famille bohème). On essayerait de s’y prendre autrement ou différemment, en voyant ce tableau pour le moins coloré, que ça ne résonnerait pas de la même manière !
En effet, on commence par nous présenter tout le monde, posé bien en rang pour bien définir qui est qui et le fond des petits problèmes de chacun, puis on les place dans un véhicule confiné pour mettre les voiles direction La Californie, histoire de mieux faire ressortir petit à petit et au grand jour les nombreux soucis, amertumes, frustrations, rancoeurs, dissensions et autres tracas de cette famille « Fenouillard » en goguette, avec bien sûr la ferme intention de régler une bonne fois pour toute ces différents à l’arrivée, happy end oblige ! C’est frais, léger, douceâtre, sympathique, voire même parfois déjanté, certes d’une lenteur narrative mais jamais idiot : il faut bien remplir 1h40 de voyage, et surtout gros comme une maison, tiré par les cheveux et cousu de fils blancs ! Les traits de caractère des membres de cette famille désespérante en pleine crise sont tellement soulignés et leurs mésaventures si appuyées qu’on a l’impression d’avoir déjà vu plusieurs fois à l’écran ce type de saynètes à des sauces certes légèrement différentes mais avec la même finalité.
Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, que ce soit le père énervant en faux « winner » avec sa psychologie de comptoir (Greg Kinnear, aperçu dans Vous avez un message, Pour le meilleur et pour le pire, Godsend et The matador), la mère attentionné qui temporise comme elle peut les débordements du reste de sa famille (Toni Collette, vue dans Muriel, 6ème sens, The hours, Connie et Carla, Pour un garçon et In her shoes), le beauf gay et fragile avec une tête de chien battu (Steve Carell, remarqué dans Bruce tout puissant et 40 ans toujours puceau), le fils en plein âge ingrat qui fait vœu de silence (Paul Dano, présent dans Le club des empereurs, The girl next door, Destins violés et The ballad of Jack and Rose), la fille boulotte qui rêve de devenir une mini-reine de beauté (Abigail Breslin qui a joué dans Signes et Fashion maman), et le grand-père héroïnomane et porté sur le cul (Alan Arkin, interprète dans Les russes arrivent, Seule dans la nuit, Catch 22, Espion mais pas trop et Edward aux mains d’argent, Glengarry).
Bref, une famille de gentils barges pas méchants pour 2 sous, qui va essayer de survivre à quelques épreuves et obstacles pendant cette longue traversée, et surtout qui va apprendre à se dépasser et à grandir un peu. Raconté comme un chemin initiatique (de croix ou de rédemption pour certains), on se doute forcément que ce périple sera bénéfique pour tous, d’autant que le scénario est bourré de belles valeurs morales (philosophie de la vie, humanité, générosité, affectivité,…), défendues à grands renforts de dialogues et faits adéquats.
L’ambiance comme l’esprit de cette famille ressemble pour beaucoup à celle décrite dans La famille Tennenbaum mais en plus terre à terre. On y retrouve le même univers légèrement bigarré, avec ses dérives passagères et ses codes particuliers (un grand-père un peu crû qui sniffe de la coke, un fils introverti qui reste dans un mutisme total, un beau-frère dépressif aux tendances suicidaires, un minibus qui fait des siennes entre l’embrayage et le klaxon, un concours ridicule où les enfants singent les adultes). Pour bien marquer le coup, il faut en rajouter dans le descriptif éhonté, quitte à déraper dans le clownesque !
Le problème, c’est que ce grand déballage d’évènements bizarres et extravagants ne fait pas rire, à peine sourire, tant on devine les chutes et les réparties dites cinglantes à l’avance. Oh, ce n’est pas la faute des comédiens qui s’en sortent plutôt bien dans le côté touchant/attendrissant, et se donnent même un mal fou pour garder un semblant de drôlerie à cette entreprise tragi-comique semé d’embûches. Non, c’est la faute du scénariste (son premier script porté à l’écran) et des réalisateurs, Valérie Faris et Jonathan Dayton (ils viennent de la télévision, de la pub et du clip), dont c’est ici leur premier long métrage, qui n’apportent pas la crédibilité nécessaire pour qu’on reste surpris et attendris. Et dire qu’ils se sont mis à 2 pour nous pondre cette excentricité simpliste, et 5 ans pour accoucher de ce résultat bon enfant !
Au final, Miss Little Sunshine ne dépasse pas le niveau d’un téléfilm réaliste sur une famille au bord de la faillite, diffusé pendant les vacances avec son quota de séquences émotionnelles et de scènes mélancoliques, parfois humoristiques. A voir donc exclusivement à 20h50 sur n’importe quelle chaîne…

C.LB



 
 
 
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