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Dialogue avec mon jardinier (sur Ciné + Emotion)

Sortie  le  12/08/2021  

De Jean Becker avec Daniel Auteuil, Jean-Pierre Darroussin, Elodie Navarre, Fanny Cottençon et Alexia Barlier (sur Ciné + Emotion les 12, 14, 15, 16, 23 et 28/08 + 03/09)


Ayant acquis une honnête réputation de peintre parisien, un quinquagénaire fait un retour aux sources et revient dans le centre de la France profonde prendre possession de la maison de sa jeunesse. Autour de la bâtisse s’étend un assez grand terrain qu’il n’aura ni le goût ni le talent d’entretenir. Aussi fait-il appel à candidature par voie d’annonce locale. Le premier candidat (qui sera le bon) est un ancien complice de la communale, perdu de vue et ainsi miraculeusement retrouvé, il sera le Jardinier. Le côtoyant au long des jours, le Peintre découvre par touches impressionnistes un homme qui d’abord l’intrigue puis l’émerveille par la franchise et la simplicité de son regard sur le monde. Sa vie est jalonnée de repères simples. Bonheur sans éclat, aucune aigreur, nulle jalousie chez le jardinier. Et ses héros sont toujours des gens modestes. Son système de valeurs passe par un unique critère qui, consciemment ou non, lui tient lieu d’étalon pour juger des choses et des gens : le bon sens. L’art lui-même que pratique son ami ne trouve grâce à ses yeux qu’après des heures d’observation discrète. Ainsi, ils poursuivent une sorte d’adolescence tardive et fraternelle, qui mêle tout ensemble leurs familles, leurs savoirs, les carottes, les citrouilles, la vie, la mort, le voyage en avion, les groseilliers, les goûts et les couleurs. Et de tout revoir avec les yeux de l’autre, chacun renouvelle le spectacle du monde. Sans tapage, ils nous invitent dans leur découverte du quotidien à « partager », autre sésame du jardinier qui fait pousser pour offrir, comme le peintre peint pour montrer. Henri Cueco, peintre lui-même et chroniqueur radio sensible à la vie des humbles nous offre là une histoire d’amitié attachante et simple comme une histoire d’amour.

La nature dans toute sa splendeur, l’existence simple des petites gens qui vivent à la campagne et l’esprit bucolique dans l’âme, thèmes de prédilection du réalisateur Jean Becker, reviennent à la charge après L’été meurtrier, Elisa, Les enfants du marais et Un crime au paradis. A chaque fois, on n’y a droit de son petit couplet sur la vie authentique en milieu rural avec ses joies et ses peines, ses moments de bonheur comme ses difficultés passagères, le tout enrobé de bons sentiments, de belles valeurs, de grandes émotions et de discussions champêtres. Vous n’y louperez pas ici puisque quasiment tout le film se passe dans le parc en friche d’une grande demeure en province. On pourrait presque dire que c’est une pièce de théâtre adaptée au cinéma, comme l’avait été d’ailleurs Un petit jeu sans conséquence, tant l’histoire se focalise autour de 2 personnes, dans un lieu précis et un seul décor, et c’est pratiquement tout, avec des textes très écrits et un vocabulaire très précis comme au théâtre.
Il n’y en a que pour ce duo à l’écran, entre Daniel Auteuil en artiste intellectuel parisien, de surcroît maître des lieux, de nouveau peintre après sa prestation dans Peindre ou faire l’amour, et surtout Jean-Pierre Darroussin en jardinier populaire et philosophe autour duquel le scénario tourne. « Il faut bien cultiver son jardin » de Rousseau n’est pas loin ! En effet, c’est ce dernier qui permet au sujet de s’articuler, lui qui va faire découvrir à son ami parisien, plutôt détaché de l’environnement naturel dans lequel il veut vivre bien que peintre, les véritables délices et les petits secrets de la vie à la campagne, lui qui semble apparemment ne plus en avoir pour très longtemps à vivre. Bref, monsieur Du Jardin et monsieur Du Pinceau, comme ils s’amusent à se nommer l’un l’autre, vont se découvrir à travers les récits qu’ils vont se faire l’un et l’autre, lors des travaux de défrichage et d’embellissement de ce vaste jardin laissé à l’abandon.
Et c’est parti pour 1h45 de parlottes en tout genre, de discussions classiques, soit nostalgiques, soit particulières, sur la pluie et le beau temps, les voyages et les vacances, les réactions vis-à-vis de telles ou telles choses qui les entourent et qui les émeuvent. Malheureusement, leurs dialogues certes fluides tournent assez vite en rond, à savoir s’il pleuvra ce soir ou demain, si on plante plutôt des rosiers ou des salades, s’il faut vider la remise ou arroser les courgettes. Dès le passage des retrouvailles et autres souvenirs d’antan évoqués, la discussion tourne court ! Si quelques réflexions et réparties sont parfois croustillantes et étranges, assez bien vues et pleines de bon sens, surtout au début, dès que le mal persistant du jardinier s’installe, c’est fini, plus rien, pas la moindre parole cocasse ou le plus petit rapport de complicité, que du mélo fort amicale et de la tristesse omniprésente à revendre !
On se lasse vite de cette tournure d’ambiance qui vire rapidement à la mélancolie bien accrochée et à l’ennui profond de la maladie. Que de lieux communs et de phrases toutes faites pour en arriver là ! C’est à croire que Jean Becker, tombé sans doute amoureux de la région puisque merveilleusement rendue, se soit laissé aller à filmer sans oser couper ici et là quelques bonnes répliques et autres images du potager en fleur. On aurait pourtant aimé qu’il évite de retomber dans les plans traditionnels de pêche à la manière des Enfants du marais, de ballade à mobylette dans le style d’Un crime au paradis et de nudité façon L’été meurtrier. Concernant ce dernier point, on ne peut que féliciter celui qui a eu l’extrême délicatesse et la grande perspicacité de choisir la jeune et talentueuse Alexia Barlier qui a ma foi un fort beau sourire et un très joli derrière !
Ne jouant que la maîtresse de Daniel Auteuil, elle ne figure pas souvent à l’écran, au même titre d’ailleurs que les autres femmes de l’histoire (Fanny Cottençon dans le rôle de l’épouse sur le départ, lassée et prête à divorcer ; Elodie Navarre en tant que fille de cette dernière et débarquant inopinément pour annoncer son mariage prochain avec un vieux ; et Hiam Abbass dans la peau de la femme du jardinier qui est pleine d’attention, de retenue et de compassion pour son cher mari diminué). Celui qui vampirise cette production tragi-comique minimaliste est sans conteste Jean-Pierre Darroussin, le seul (et beau) rôle à apporter de la consistance, de l’intensité et du relief à son personnage bienveillant, simple, naïf, loyal, juste, moral et profond, aussi singulier qu’exceptionnel (un César possible à la prochaine remise ?). Quand à Daniel Auteuil en clown blanc, il ne sert qu’à renvoyer la balle au jardinier, d’où un déséquilibre évident entre les 2 protagonistes principaux. Il est loin le fantôme d’Ugolin et de ses œillets dans Manon des sources ! En résumé, on aurait aimé pouvoir s’accrocher plus longtemps à la destinée intimiste et gentillette de ses 2 êtres certes au demeurant fort sympathiques mais peu passionnants par rapport à ce qu’ils disent au final !

C.LB



 
 
 
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