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My blueberry nights (sur Ciné + Club)

Sortie  le  18/02/2021  

De Wong Kar Wai avec Norah Jones, Jude Law, David Strathaim, Racheh Weisz et Natalie Portman (sur Ciné + Club les 14, 18, 22, 24 et 27/02 & 02 et 05/03)


Après une séparation douloureuse, Elizabeth se lance dans un périple à travers l’Amérique, laissant derrière elle une vie de souvenirs, un rêve et un nouvel ami, un émouvant patron de bar, tout en cherchant de quoi panser son cœur brisé. Occupant sur sa route des emplois de serveuse, Elizabeth se lie d’amitié avec des clients dont les désirs sont plus grands que les siens : un policier tourmenté et sa femme qui l’a quitté, une joueuse dans la déveine qui a une affaire à régler. A travers ces destins individuels, Elizabeth assiste au spectacle du véritable abîme de la solitude et du vide, et commence à comprendre que son propre voyage est le commencement d’une plus profonde exploration d’elle-même.

Dans son premier film en langue anglaise, le grand réalisateur hongkongais (mais d’origine chinoise) Wong Kar Wai invite le spectateur à parcourir, en un voyage semi dramatique, la distance qui sépare un chagrin d’amour d’un nouveau départ. Vaste programme qui ne semble pas totalement lui réussir à première vue ! En effet, l’air des grands horizons américains ne paraît pas convenir au célèbre metteur en scène de In the mood for love ! Sans doute le fait d’être aller tourner loin de chez lui avec le problème de la traduction, ou bien peut-être à cause de la trop grande superficie de ce pays par rapport au sien et ne sachant pas où poser exactement sa caméra, ou bien encore vraisemblablement par rapport à l’intensité des couleurs qui changent au fur et à mesure des Etats et qu’il a eu du mal à maîtriser, ou bien alors à la vue de ce trop plein de possibilités créatives et artistiques qu’il n’a pas pu totalement concrétiser, faute de temps pour remettre sa copie à l’heure lors du dernier festival en Cannes en mai 2007. Puisque à son habitude, il fignole méticuleusement jusqu’à la dernière minute (voire seconde) ses tournages, ses plans, ses cadrages et son montage, on peut penser que le résultat n’a pas été complètement à la hauteur de ses attentes, d’autant que son film, qui faisait l’ouverture du festival cette année, a été depuis remonté dans une nouvelle version légèrement plus courte de 15 minutes (ah, tout de même !).
N’empêche que même amputé de quelques scènes assurément très esthétiques, le final manque singulièrement d’originalité et de nouveauté, d’une belle histoire entraînante, d’une mise en scène structurée, de dialogues profonds, d’un rythme soutenu et d’une bonne direction d’acteurs. Comment voulez-vous qu’on soit concentré sur les errances sentimentalo/bucoliques d’une jeune serveuse nonchalante en quête de ses propres sens, qui se pose des questions de midinette, qui ne tient pas en place très longtemps et qui espère pouvoir grandir un peu après mures réflexions sur l’amour, elle qui n’est même pas joué par une vraie comédienne ? Norah Jones a beau être une chanteuse récemment confirmée (seulement 3 albums mais plus de 20 millions d’exemplaires écoulés), elle n’en est pas moins une jeune débutante au cinéma (toute première apparition à l’écran comme Chan Marshall, la chanteuse de Cat Power) qui promène sa bonhomie certes fort attrayante mais qui manque singulièrement de multiples expressions faciales, aussi bien dans le regard, la moue que dans l’élocution. Derrière sa timidité, sa discrétion, sa réserve et sa modestie sans aucun doute voulues pour ce rôle de jeune fille fuyante (c’est le cas de le dire !), elle finie par s’effacer complètement au contact des autres intervenants alors qu’elle est censée représenter le pivot central de ce voyage initiatique aux allures de comédie romantique et d’aventure émotionnelle, le tout sur fond de déboires amoureux.
Ces derniers ne sont pas en reste non plus puisqu’ils ne font, pour la plupart, que passer au gré des rencontres de leur héroïne évanescente et des humeurs de leur réalisateur tatillon. Jude Law reste toujours aussi craquant malgré une prestation tout en demie mesure sauf au tout début et à la toute fin. Il minaude tendrement et comme il se doit en gérant avenant, de quoi faire craquer n’importe quelle consommatrice qui entrerait dans son bar/restaurant. Rachel Weisz (La momie, La maître du jeu, The constant gardener, The fountain) ne fait que passer d’une manière un temps soit peu excessive en épouse volage, David Strathaim (Le mystère Silkwood, La firme, Dolores Claiborne, Bob Roberts) imite parfaitement l’alcoolo de service embrumé dans la peau d’un flic mélancolique, et Natalie Portman (Tout le monde dit I love you, Entre adultes consentants, Retour à Cold Mountain, V pour vendetta) a une présence un peu plus nuancée que les autres en joueuse aussi flamboyante que menteuse.
Wong Kar Waï a réuni un beau casting éclectique qui nous cache un vide narratif évident et une remise en cause certaine. Ca parle de tartes aux myrtilles (d’où le titre), de clés laissées ou oubliées, de beuveries aux vapeurs larmoyantes, de voyages au cœur de l’Amérique profonde pour faire le point et de voiture rutilante gagnée au jeu, bref, ça parle pour ne rien dire de franchement exaltant, sauf des banalités de comptoir à n’en plus finir un soir de nostalgie, de blues ou de déprime ! Les situations s’enchaînent enfantines, sans surprise, ni passion et encore moins d’entrain. Là-dessus, il nous manipule sa caméra dans tous les sens en filmant au plus près de ses protagonistes, et triture sa pellicule avec des images saccadées, des ralentis sporadiques, des plans hachés et des filtres colorés sur fond de néons parfois bleus, parfois rouges. Rien de bien nouveau ou de palpitant à nous montrer, si ce n’est sa faculté à rendre complexe un scénario répétitif et brouillé, pour ne pas dire brouillon ! Le réalisateur n’arrive pas cette fois à nous convaincre du bien fondé de sa dernière petite inspiration pour le moins raffinée et très léchée, du moins pas autant que la glace de son générique qui fond à vue d’œil à chaque nouvelle étape routière de ce road movie itinérant (sur la fameuse route 66), déguisé en fugue solitaire assez scolaire et en faux Parix Texas de Win Wenders, musique folklorique en prime !

C.LB



 
 
 
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