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La piel que habito (sur Ciné + Frisson)

Sortie  le  20/11/2023  

De Pedro Almodovar avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes, Jan Cornet, Roberto Alamo, Blanca Suarez et Eduard Fernandez


Depuis que sa femme a été victime de graves brûlures sur tout le corps dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau grâce à laquelle il aurait pu sauver son épouse. 12 ans après le drame, il réussit dans son laboratoire privée à cultiver cette peau : sensible aux caresses, elle constitue néanmoins une véritable cuirasse contre toute agression, tant externe qu’interne, dont est victime l’organe majeur de notre corps. Pour y parvenir, le chirurgien a recours aux possibilités qu’offre la thérapie cellulaire.
Outre les années de recherche et d’expérimentation, il faut aussi au médecin une femme cobaye, un complice….et une absence totale de scrupules. De toute façon, les scrupules ne l’ont jamais étouffé, il en est tout simplement dénué. Marilia, la femme qui s’est occupée de lui depuis sa naissance, est la plus fidèle des complices. Jamais elle ne le trahira. Quant à la femme cobaye…..
Au fil des ans, des dizaines de jeunes gens disparaissent de chez eux, souvent de leur plein gré. L’une de ces personnes se retrouve à partager avec Robert et Marilia la splendide demeure d’El Cigarral. Et ce, contre sa volonté….


On pourrait traduire le titre de ce film ainsi, La peau que j’habite, cette fameuse enveloppe synthétique aussi charnelle et délicate qu’éternelle et résistante à toutes « épreuves », fabriquée artificiellement par un docteur certes ingénieux mais machiavéliqu à souhait, quelque peu dérangé après la disparition tragique de sa femme (et apparemment ici, ce ne sera pas la seule personne à s’évanouir dans la nature, loin de là !), et qui expérimente sa découverte à de multiples reprises sur un « volontaire » kidnappé et pas toujours d’accord avec lui. Nous voilà donc plongé dans le monde troublant d’une clinique aseptisée, sorte de prison dorée où les protagonistes deviennent tour à tour bourreaux et victimes, où un patient « dévoué » et séquestré « de son plein gré » sert de souris de laboratoire entre les mains expertes d’un chirurgien plutôt illuminé et psychopathe, prêt à tout pour servir ses desseins certes révolutionnaires mais pour le moins pervers.
Il y a du polar et du thriller dans l’air, mais aussi un peu de science-fiction dans la nouvelle réalisation d’Almodovar, teintée bien évidemment de mélodrame légèrement théâtral comme sait si bien l’installer le célèbre metteur en scène espagnol (il a notamment produit un certain nombre de films de genre, entre autres L’échine du diable de Guillermo Del Toro et Action mutante d’Alex de La Iglesia). Cette adaptation cinématographique particulièrement diabolique, voire cruelle et même un peu horrible, est librement inspirée de l’inquiétant roman Mygale de Thierry Jonquet mais néanmoins à l’exécution fort réussie, autant d’un point de vue scénaristique que graphique.
C’est pour le réalisateur l’occasion de renouer avec l’un de ses comédiens fétiches, l’excellent Antonio Banderas, absent de sa filmographie depuis plus de 20 ans, à l’époque d’Attache-moi, lui qui a joué dans Le labyrinthe des passions (sa toute première apparition), puis Matador, ensuite La loi du désir, et enfin Femmes au bord de la crise de nerfs. Ce film permet aussi de rassembler d’autres acteurs vedettes, pour certains déjà bien habitués à l’univers complexe et bigarré d’Almodovar, que ce soit Elena Anaya (Parle avec elle) ou alors Marisa Paredes (Dans les ténèbres ; Talons aiguilles ; La fleur de mon secret ; Tout sur ma mère ; Parle avec elle).
Dans cette nouvelle œuvre kafkaïenne et amorale d’Almodovar, les thèmes autour de la vengeance comme de la violence ont beau être cette fois traité avec une certaine persistance dans un huis-clos étouffant, préparez-vous tout de même à être surpris par les révélations oh combien troublantes, limite dérangeantes, que nous dévoille cette fable « malsaine », cette dernière n’étant d’ailleurs pas très éloignée d’une certaine actualité ambiante, souvent décriée et pointée du doigt par les médias vis-à-vis d’une profession pas toujours consciencieuse elle, c’est le moins qu’on puisse dire !

C.LB



 
 
 
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