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The Grandmaster (sur Ciné + Club)

Sortie  le  23/04/2021  

De Wong Kar-Wai avec Tony Leung, Chiu Wai, Zhang Ziyi, Chang Chen, Qingxiang Wang, Zhao Benshan, Xiao Shengyang et Song Hye Kyo (sur Ciné + Club les 23, 26 et 29/04)


Chine, 1936. Ip Man, maître légendaire de Win Chun (un des divers styles de kung-fu) et futur mentor de Bruce Lee, mène une vie prospère à Foshan où il partage son temps entre sa famille et les arts martiaux. C’est à ce moment que le Grand maître Baosen, à la tête de l’Ordre des Arts Martiaux Chinois, cherche son successeur. Pour sa cérémonie d’adieux, il se rend à Foshan, avec sa fille Gong Er, elle-même maître du style Ba Gua et la seule à connaître la figure mortelle des 64 mains. Lors de cette cérémonie, Ip Man affronte les grands maîtres du Sud et fait alors la connaissance de Gong Er en qui il trouve son égal. Très vite, l’admiration laisse place au désir et dévoile une histoire d’amour impossible. Peu de temps après, le Grand maître Baosen est assassiné par l’un de ses disciples, puis, entre 1937 et 1945, l’occupation japonaise plonge le pays dans le chaos. Divisions et complots naissent alors au sein des différentes écoles d’arts martiaux, poussant Ip Man et Gong Er à prendre des décisions qui changeront leur vie à jamais….

Quand le fameux réalisateur Wong Kar-Wai se met à l’ouvrage et s’atèle à un nouveau projet cinématographique, il prend vraiment son temps et, surtout, ne fait pas les choses à moitié. En effet, il aura fallu15 ans d’attente avant que son dernier film ne voit enfin le jour, dont 6 ans de préparation ainsi que 3 ans de tournage et de postproduction. Et comme de bien entendu, en pareille occasion, rien n’a été laissé au hasard chez ce perfectionniste pointilleux, ni des années de recherches pour retranscrire à l’écran de la façon la plus authentique qui soit le récit de la vie d’Ip Man dans la Chine des années 30 et 40, ni les nombreux plans, cadrages, prises de vue et autres effets pour rendre cette fresque la plus mémorable possible aux yeux des spectateurs.
Pas un décor, autant en studio – et même plus - qu’en extérieur – moins nombreux -, qui ne soit exceptionnellement léché (des paysages enneigés du Nord-est de la Chine à ceux du Sud au climat subtropical) ; pas un combat qui ne soit extrêmement chorégraphié, grâce à la présence de Yuen Ping – Matrix ; Kill Bill 1 & 2 ; Tigre et dragon - (depuis l’affrontement sous une pluie battante en introduction jusqu’à celui dans la gare très années 30, en passant par ceux dans le bordel, à raison d’un combat différent pratiquement toutes les 10 minutes sur 2h10 de pellicules !) ; pas un costume qui ne soit richement brodé et pas un accessoire qui ne soit minutieusement décoré (et il y en a dont certains qui inévitablement finiront brisés) !
On reconnaît la patte du metteur en scène dans sa manière de filmer, tournant souvent au plus près de ses acteurs (et également souvent les mêmes, comme Tony Leung, présent dans 6 de ses films précédents : Nos années sauvages, Les Cendres du temps, Chungking Express, Happy Together, In the Mood for Love et 2046 ; Zhang Ziyi, vue dans 2046 et déjà ensemble avec Tony Leung sur Hero ; et Chang Chen, aperçu dans Happy together et 2046, et ensemble avec les 2 autres sur Tigre et Dragon), n’omettant pas de placer ici et là des regards intenses qui en disent longs sur leurs intentions ; des discours assez courts et la plupart du temps sous forme de paraboles, de métaphores ou de dictons ; des ralentis soignés pour souligner la technicité dantesque et le travail particulier de certains passages qui d’ailleurs ressemblent beaucoup à des tableaux de…maîtres aussi ! ; de l’eau, sous l’apparence de pluie ou de neige, en abondance ; et de la musique romantique à souhait bien adéquate, aussi omniprésente qu’envoûtante (un peu d’ailleurs à la Ennio Morricone), celle du japonais Shigeru Unebayashi, le même compositeur qui officiait déjà sur le célèbre In the mood for love et 2046 de Wong Kar-Wai, ainsi que sur Trishna, La cité interdite et Le secret des poignards volants.
On ne pouvait pas rendre plus vibrant hommage à ce pur maître des arts martiaux qu’à travers cette production nostalgique, à la fois visuellement puissante et fort esthétisante, tout en y insufflant une bonne dose de sentimentalisme, au point que la biographie du légendaire Ip Man semble devenir aussi importante que l’intrigue « affectueuse » développée avec Gong Er, interprétée par Zhang Ziyi (Tigre et dragon ; Rush hour 2 ; Hero ; Le secret des poignards volants ; Mémoires d’une geisha). Sans que cela ne fasse tout de même trop d’ombres aux arts martiaux et malgré quelques lenteurs, vous y découvrirez néanmoins une vraie histoire autour de l’art subtil et infaillible du kung-fu, de certaines valeurs de savoir comme de respect (qui ont tendance aujourd’hui à disparaître au profit de traîtrises et de coups bas !), ainsi que sur les obstacles rencontrés et les raisonnements à avoir, sans oublier sur les épreuves et les sacrifices à subir à travers des histoires de défis où il est question de rivalités, de suprématie et de soif de gloire, le tout sur fond de guerre entre maîtres. Voilà donc quelques belles et bonnes leçons à méditer….sur grand écran, bien sûr !

C.LB



 
 
 
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